Une définition de la fantasy : peut-on délimiter les frontières du genre ?

La fantasy est un genre extraordinaire : il est tellement vaste, impossible à embrasser d’un seul regard… et ses frontières n’ont à ce jour toujours pas été atteintes ! Sa première apparition est sans cesse remise en question, et peut-être pourrait-on faire remonter ses origines aux premières légendes du monde. Sa définition ne met personne d’accord, et pour chaque proposition, on pourrait trouver de nombreuses exceptions ; pourtant, tout le monde visualise avec plus ou moins de précision ce que l’on entend par fantasy. Histoire d’ajouter ma pierre à cet édifice sans fin, je vous propose ma vision de la fantasy et de ce qui la démarque des autres genres de l’imaginaire.

définir la fantasy

Si l’on se penche sur ce qu’en disent les dictionnaires en ligne, on découvre ceci :

  • pour le Dictionnaire de l’Académie Française, le terme n’existe tout simplement pas ; quant à la fantaisie, autre orthographe parfois donnée au genre, elle désigne au mieux une « œuvre où l’imagination, qui n’est pas strictement soumise au respect de règles propres à un genre, se donne libre cours » : la fantasy serait donc tout ce qui n’est pas déjà un genre codifié
  • pour le Larousse, la fantasy se pare immanquablement d’une « atmosphère d’épopée », se mélange au fantastique et est synonyme d’heroic fantasy. C’est une vision que je ne trouve pas complètement erronée en soi, mais qui demeure à mon sens datée, et qui ne prend pas en compte les évolutions qu’elle a pu connaître ces dernières décennies.
  • le Robert propose une définition qui est peut-être celle des trois qui me convient le mieux : « Genre littéraire dans lequel l’action se déroule dans un monde imaginaire peuplé d’êtres surnaturels, mythiques ou légendaires ». Je trouve que cette proposition laisse beaucoup de place à tout ce que la fantasy peut être, aussi bien en termes de ton que de thématiques.

Pour ma part, je retiens particulièrement la proposition de Gillian Brousse dans son livre Voyage au cœur de la Science-Fiction (aux éditions Noir d’Absinthe) :

« La Fantasy présente l’irrationnel accepté. Le lecteur découvre un autre monde et en admet tacitement toutes les règles, tant qu’elles sont constantes. L’auteur joue avec l’impossible et n’est pas tenu d’offrir des explications. »

Ce que j’aime dans cette définition, c’est qu’elle exclut l’aspect littéral de la notion de surnaturel, pour se concentrer sur le pas de côté que propose la fantasy par rapport à notre monde réel : parfois, le surnaturel n’est pas au cœur de l’intrigue (voire complètement absent), et la fantasy tient alors au fait que l’on se trouve ailleurs, dans un monde simplement différent.

différencier les genres de l’imaginaire

Le Larousse évoque le genre du fantastique dans sa définition, et l’ailleurs que je mentionne ci-dessus pourrait tout autant s’apparenter à un univers de science-fiction. Ces trois sous-genres des littératures de l’imaginaire sont effectivement intimement liés, et si leurs frontières individuelles sont difficiles à établir, il est peut-être encore plus ardu de poser celles qui les différencient les uns des autres… Là encore, de nombreuses propositions existent pour définir les caractéristiques de chaque genre par rapport à ses voisins, notamment celle de Gillian Brousse dans l’ouvrage mentionné ci-dessus, mais voici comment, pour ma part, je les distingue :

→ Dans le fantastique, le surnaturel est présent également, mais sa source n’est pas identifiée : magie, créatures étranges, fantômes… C’est une cause d’inquiétude voire d’angoisse pour les protagonistes, et l’enjeu va être de parvenir à identifier ce surnaturel pour en déjouer la menace. Pour moi, cela permet notamment de différencier ces genres lorsqu’ils prennent tous les deux pied dans notre monde.

→ En science-fiction, l’ailleurs trouve sa source dans la science et la technologie, des éléments au fonctionnement connu et maîtrisé, là où la fantasy incorpore plutôt des éléments que l’on apparenterait à une forme de magie, une force éthérée dont le fonctionnement nous est globalement inconnu. Cette proposition permet par exemple de pencher pour la théorie selon laquelle Star Wars, avec d’une part ses vaisseaux spatiaux et d’autre part sa mythique Force, relèverait donc de la science-fantasy

le principe du « oui, mais »

À partir de ces définitions et des codes que l’on associe à la fantasy, on peut donc jouer au jeu des exemples et des contre-exemples. Le Seigneur des Anneaux (J.R.R. Tolkien) est considéré comme l’archétype de la fantasy, avec son souffle épique et ses différents peuples qui cohabitent ; mais Bertram le Baladin (Camille Leboulanger) est un parfait exemple d’une fantasy aux enjeux minimes, avec la quête strictement personnelle d’un personnage qui n’a que son talent pour le démarquer du reste du commun des mortels. L’Assassin Royal (Robin Hobb) est une fantasy profondément ancrée dans une inspiration médiévale, tandis que Les Lames du Cardinal (Pierre Pevel) prend place sous le règne de Louis XIII. Brandon Sanderson propose de longues sagas passionnantes aux tomes épais comme des parpaings, là où Aurélie Wellenstein se concentre sur des tomes uniques originaux et poignants. Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin (Laure Dargelos) est une aventure palpitante, fraîche et légère ; Kra (John Crowley) est au contraire un récit lent, très métaphorique, qui pose de nombreuses questions et prend le temps d’y réfléchir.

Si la fantasy demeure complexe à définir et à codifier, je pense que c’est un magnifique indicateur de ce qui en fait sa beauté et son intérêt : elle est vaste et ne cesse de s’étendre, elle explore constamment de nouveaux thèmes, renverse les codes établis pour en créer de nouveaux… En fantasy, il y en a pour tout le monde, pour tous les âges et tous les goûts. Je continuerai encore et encore à le répéter : la fantasy est un genre extraordinaire !

Et vous, quelle définition de la fantasy vous convient le mieux ? Quels exemples et contre-exemples vous viennent en tête lorsque l’on évoque ce genre ?

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10 commentaires sur “Une définition de la fantasy : peut-on délimiter les frontières du genre ?

  1. J’aime beaucoup ton article qui déplace un peu le raisonnement par rapport au très classique (et enseigné en métiers du livre) Fantastique = dans notre monde, Fantasy = monde imaginaire a 100%. Je me suis d’ailleurs posée la question dans les dénominations internationales notamment au niveau de l’anglais (forcément) où on n’utilise que le mot « fantasy » et que du coup on a repris pour l’urban fantasy alors que cela correspondrait parfois a du fantastique en VF (je pense a la saga Testament de Jeanne-A-Debats) mais qui est classé en Urban fantasy. Du côté germanique au contraire on utilise que le mot « Fantasy » alors que le mot « Fantastisch » existe mais je n’ai jamais entendu ce terme en lien avec les livres (au quotidien en tous cas). Alors, au final, chaque langue fait sa popotte alors que les romans entrent forcément dans une case ? On adapte, on emprunte, on invente ? C’est le côté positif de la culture, elle évolue avec les gens, les langues et les barrières peuvent se déplacer librement. Peut-être d’autant plus quand on parle de ce genre en particulier ? 🙂 En tous cas ta réflexion stimule l’imaginaire 😀

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    1. Le point que tu soulèves est très intéressant ! Il me semble que les anglophones ont la distinction « high fantasy/low fantasy » qui serait plus ou moins similaire, mais c’est vrai que chaque langue, avec sa culture propre, a probablement une vision différente de chaque genre et de ce qui les différencie ☺️ ça serait passionnant d’approfondir cette question des genres littéraires avec une approche linguistique ! Notamment sur le fait qu’ont ait repris un mot anglais pour désigner un genre, que sa traduction en Français ne désigne pas vraiment la même chose…

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  2. Alors, c’est drôle, pour moi (et ce qu’on m’a inculqué), le fantastique a une toute autre signification. De mon côté, le fantastique, ce sont des éléments magiques / imaginaires dans un environnement non fictif. Par ex, Untelle dans sa maison en Ardèche, la vie comme nous la connaissons, mais l’eau du puits se régénère toute seule quotidiennement.

    A propos de la Fantasy comme genre et ses délimitations, je crois que l’objectif même est qu’il ne peut être délimité – tout relève de l’imagination des auteur/ices. Et en effet, j’ai aussi tendance à me reposer sur les trois grandes catégories : Fantasy / Fantasy / SF. Le reste, je m’en fiche un peu, à moins que ça n’aie une portée politique palpable. Placer des étiquettes est une bonne chose lorsqu’on débute dans ce genre littéraire. Comme en tout, cela permet de trouver sa place, définir ses goûts, comprendre un peu mieux sa personnalité. Et je suppose que l’on s’en déleste peu à peu, avec le temps et les lectures qui passent.

    A propos des grands clichés autour de la fantasy, Le Guin avait écrit cela, que je trouve très à son image :
    https://www.ursulakleguin.com/some-assumptions-about-fantasy

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    1. C’est effectivement ce que j’ai appris à propos du fantastique, mais au fil du temps j’ai plutôt l’impression que c’est une définition qui s’applique surtout au fantastique « classique ». Je me suis notamment posé la question de l’urban fantasy et de la bit-lit, qui se passent souvent dans notre monde et que, pour ma part, j’ai du mal à me représenter comme du fantastique… D’où cette proposition d’une définition qui déplace un peu la frontière entre les deux genres, mais encore une fois libre à chacun.e d’identifier les genres comme il.elle l’entend 🙂

      C’est une très bonne remarque sur la fantasy, c’est vrai que c’est peut-être un genre qui pourrait se décrire par son absence de frontières et son ouverture à tous les possibles ! Mais c’est intéressant de voir que ce que les gens associent généralement à la fantasy correspond souvent à un ensemble de codes assez clairement établis. Ça permet effectivement de s’y retrouver quand on ne connaît pas encore trop le genre, et j’avoue que je deviens de plus en plus adepte des livres qui, justement, sortent des frontières des genres, ces fameux « OLNIs »…

      Merci beaucoup à toi pour ces réflexions et pour l’article de Le Guin, je vais aller voir ça de plus près ! (Les clichés sur la fantasy, il y a là aussi beaucoup à dire et beaucoup de chemin à faire…)

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  3. J’aime beaucoup ton article, c’est vrai qu’il est difficile de donner une définition de la Fantasy, personnellement j’aime bien la définition qu’en on faite les universitaires américains Thymm, Boyer et Zahorski  »la Fantasy se caractérise par des événements, des lieux ou des créatures qui ne peuvent arriver ou exister selon nos standards rationnels ou nos connaissances scientifiques.  »
    https://unmondedechimere.wordpress.com

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