Poignante rencontre auprès d’un bûcher sous la neige

Au coeur de l’Écosse du XVIIe siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher. Dans le clair-obscur d’une prison putride le Révérend Charles Leslie, venu d’Irlande espionner l’ennemi, l’interroge sur les massacres dont elle a été témoin. Mais, depuis sa geôle, la voix de Corrag s’élève au-dessus des légendes de sorcières, par-delà ses haillons et sa tignasse sauvage. Peu à peu, la créature maudite s’efface; du coin de sa cellule émane une lumière, une sorte de grâce pure. Et lorsque le révérend retourne à sa table de travail, les lettres qu’il brûle d’écrire sont pour sa femme Jane, non pour son roi.
Chaque soir, ce récit continue, Charles suit Corrag à travers les Highlands enneigés, sous les cascades où elle lave sa peau poussiéreuse des heures de chevauchée solitaire. Chaque soir, à travers ses lettres, il se rapproche de Corrag, la comprend, la regarde enfin et voit que son péché est son innocence et le bûcher qui l’attend le supplice d’un agneau.
~ Un bûcher sous la neige, de Susan Fletcher – J’ai Lu
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Ce roman a dû patienter pendant des années dans ma bibliothèque. Intriguée dès que Margaud Liseuse en a fait l’éloge, j’attendais le moment idéal, pour pouvoir m’y plonger dans les meilleures conditions possibles ; et quel délice d’avoir enfin pu le découvrir…

Le roman se divise entre deux récits : celui du révérend Charles, venu interroger Corrag dans le cadre de son enquête, et celui que Corrag lui livre, de sa naissance à ses derniers jours. Si le premier laisse transparaître un certain nombre d’enjeux et de thématiques intéressantes, c’est avant tout le deuxième qui m’a complètement emportée. Corrag est un personnage hors du commun : mûe par un amour inconditionnel pour le monde qui l’entoure et les êtres qui l’habitent, elle traverse des épreuves épouvantables. Pourtant, elle conserve un certain optimisme et une simplicité qui font d’elle, bien plus que sa naissance ou son parcours, la femme véritablement libre que l’on condamne tout au long de son périple.

Plus que l’intrigue apportée par Charles, dont l’évolution est finalement assez rapide, c’est l’ambiance du récit de Corrag qui m’a emportée, cette atmosphère contemplative où l’immobilité est parfois bien plus touchante que le moindre dialogue. Avec ses mots, Corrag parvient à donner corps à cette Écosse sauvage et magnifique, battue par les vents, habitée de mille vies, humaines et animales, présentes et passées… Elle pose sur le monde un regard empreint de lumière, sans pour autant renier chacune des épreuves qu’elle a traversées : je l’ai trouvée profondément marquante, et c’est un personnage qui fera longtemps écho en moi…

C’est une lecture qui m’a énormément touchée, avant tout pour le personnage qu’elle m’a permis de rencontrer : cette femme éprise d’amour et de liberté… Je vous conseille chaleureusement cette lecture, qui j’espère saura vous transporter autant que moi !

Le livre écorné de ma vie : méandres nauséeux et écœurante déception

Auteur à succès, Thomas Cradle se découvre par hasard un homonyme romancier dont il ne savait rien. Intrigué, il se procure l’unique ouvrage de ce dernier, et réalise bientôt qu’au-delà de leur patronyme, les deux hommes partagent une date de naissance identique, sont nés dans la même ville et ont fréquenté la même université… La lecture de l’ouvrage achève de convaincre Cradle du caractère fascinant de sa découverte, les points communs sont trop nombreux, trop évidents : il lui faut partir sur les traces de cet autre Cradle. Et pour ce faire, une seule destination : le Mékong et ses méandres, entre Laos et Viêt Nam — comme un écho aux motifs d’un narrateur bien plus toxique qu’il n’y paraît… Jusqu’au cœur des ténèbres, en somme, jusqu’à déchirer le voile d’une réalité impensable.
~ Le livre écorné de ma vie, de Lucius Shepard – Le Bélial (Une Heure Lumière)
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Des fois, de plus en plus souvent, j’aime me lancer dans un texte sans trop en savoir, pour me laisser porter sans à-priori sur ce que je vais pouvoir y trouver. Parfois, ce sont de très bonnes surprises ; parfois non. Cette lecture ne fait pas partie des bonnes surprises.

Jusqu’à cette novella, je n’avais eu que de bonnes expériences avec la collection Une Heure Lumière proposée par Le Bélial : amatrice des textes courts, j’aime me plonger dans un univers le temps d’une petite centaine de pages, et d’en savourer l’ambiance ou l’intrigue en me contentant de ce que l’auteur.rice propose dans ce court temps imparti. Pourtant, ici, j’ai peiné à tourner les pages, tant chacune représentait presque un calvaire ; mais format court oblige, j’ai quand même voulu arriver au bout des 144 pages de ce texte, curieuse de savoir si sa finalité parvenait à relever le reste. Résultat : non.

J’ai profondément détesté le personnage principal : désabusé par la vanité de son quotidien insipide, il se lance dans la quête d’un exotisme où lâcher la bride qui le retient en société, et laisser cours à ses pulsions les plus primaires pour vaincre la monotonie de son existence. Tout en extrêmes et sans nuances, c’est un ramassis de clichés violents et misogynes à souhait, qui n’apporte rien de neuf, et particulièrement déplaisant à suivre en narration interne.

L’intrigue, quant à elle, ne va nulle part. Une fois le mystère initial mis en place, le personnage décolle pour le Viêt Nam… et enchaîne séances de sexe et d’alcool, entrecoupées de vagues péripéties qui ne mènent à rien, créant une ambiance à la fois malsaine et sans intérêt. Les rappels de l’intrigue sont rares et fugaces, et si la fin ramène une pointe de rythme et d’intérêt, elle est trop tardive et encore trop floue pour éviter au récit la sensation du « mouais, tout ça pour ça ».

Je suis donc passée complètement à côté de ce texte… Et si j’ai tendance à vous conseiller malgré tout d’aller découvrir par vous-même les lectures qui m’ont déçue, j’aurais plutôt envie de vous déconseiller celle-ci : à moins qu’elle vous intrigue particulièrement, il y a de grandes chances pour qu’elle ne vous apporte rien, et est à mon sens (et fort malheureusement) totalement dispensable.

Repousser les limites : l’anthologie des Utopiales 2022

Irrésistibles sont les limites. A toujours chercher à les frôler, en débattre, les dépasser, l’humanité en a fait depuis toujours une obsession. Les nouvelles de cette anthologie jouent avec ce thème ; limites physiques et contraintes spatiales, limites climatiques et habitations noyées ; limites morales également – peut on exploiter des extraterrestres géants à outrance, ou doit-on appliquer les règles terrestres là où de la Terre, il n’y a aucune trace ?
~ Utopiales 2022, anthologie (Paul Pandelakis, Émilie Querbalec, Aurélie Wellenstein, Jean-Marc Ligny, Morgan of Glencoe, Julien Heybroeck Caldironi, Ugo Bellagamba, Morgane Caussarieu, Nicolas Martin, Floriane Soulas, Alexander Weinstein, Jean Baret et Karine Rennberg) – ActuSF
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L’an dernier, je participais pour la première fois au festival des Utopiales, centré cette année-ci autour du thème des Limites. Si j’ai eu du mal à enchaîner les conférences par manque de préparation, j’ai adoré profiter de l’ambiance du festival, et je suis ravie d’avoir pu prolonger l’expérience en ramenant l’anthologie de cette édition 2022.

Étant donnée l’orientation davantage SF que fantasy de la thématique, j’appréhendais un peu de découvrir une suite d’univers dans lesquels j’aurais eu du mal à plonger. Peur totalement injustifiée : j’ai trouvé chacune des nouvelles parfaitement accessibles, une bonne part d’entre elles se placent dans des univers de fantasy, et la plupart m’ont happée dès les premiers mots !

Naturellement, je n’ai pas accroché à toutes les propositions. J’ai eu un peu de mal par exemple avec Conte du Loup qui devint Corbeau, de Morgan of Glencoe : elle se place dans un autre univers de l’autrice que je ne connais pas, et j’ai eu la sensation qu’il me manquait des clés de compréhension. Je pourrai peut-être relire cette nouvelle une fois que j’aurai découvert le reste de son univers ?

Parmi celles qui m’ont beaucoup plu, je retiens notamment :

  • À cœur suspendu, d’Émilie Querbalec, où la SF se fait discrète mais la fin particulièrement poignante
  • L’Île, de Jean-Marc Ligny, un mélange doux-amer d’où émergent quelques douces notes d’espoir
  • Foudre, de Floriane Soulas, qui propose un univers très intéressant et une intrigue profondément efficace
  • Le Maître des Runes, de Karine Rennberg, dont l’univers m’a happée également, et qui me donne envie d’aller découvrir davantage ce que fait l’autrice

Cette anthologie fut donc une lecture riche en découvertes, qui m’a donné envie d’explorer les œuvres d’un certain nombre des autrices et auteurs qu’elle présente. Si je tenterai peut-être de me procurer les précédentes, je ne manquerai certainement pas d’attraper les prochaines à chaque futur passage au festival des Utopiales !

Et vous, vous lisez des anthologies ? Vous ont-elles permis de faire de belles découvertes ?

La lyre qui ne sonna et le glaive qui ne frappa : diseur de déception

Depuis l’accession au pouvoir du hartl Skilf Oluf’ar, la paix règne et la commanderie du Solkstrand prospère.
Lorsqu’on lui refuse le passage d’un pont parce qu’il ne peut s’acquitter du péage, Kelt prédit l’effondrement de la construction. Ainsi sont les diseurs de mots : ils possèdent de drôles de dons, jamais ils ne mentent et, affirme-t-on, leurs vérités ensorcellent.
Arrêté et livré aux geôles du seigneur local, Kelt doit démontrer son innocence lors d’une ordalie. Hòggni, un mercenaire en mal de contrats, accepte de le représenter puis remporte le duel. Toutefois, vexé de sa défaite, le seigneur les missionne alors au Heldmark, où le culte d’un dieu unique se répand plus vite que la peste…
~ La Lyre et le glaive, tome 1 : Le diseur de mots, de Christian Léourier – J’ai Lu
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Alors qu’il se languissait dans ma pile à lire depuis des années, j’ai pu finalement l’en sortir à l’occasion d’une lecture commune avec Olive Oued ; et si je suis ravie d’avoir partagé cette découverte avec elle, je suis moins convaincue par le roman lui-même…

Le résumé me promettait un récit original et prenant, où le langage est central et où chaque mot est capable d’influer sur les événements : j’ai été déçue. Au final, le roman propose quelque chose de complètement différent, si bien qu’aucune de mes attentes n’a vraiment été satisfaite. Plus qu’une histoire centrée autour du personnage de Kelt, on assiste surtout à une guerre qui ne concerne que très peu le fameux Diseur de mots : il suit donc les événements de manière passive, balloté çà et là par un roi qu’il n’a pas vraiment de raison de suivre et un hasard bien pratique pour la narration. Les secrets que cache Kelt sont complètement relégués en arrière-plan, et n’ont plus aucune incidence une fois révélés ; de même que cette magie étrange dont il semble faire preuve, qui se révèle surtout pour déclencher un ou deux retournements de situation.

Il y avait pourtant des éléments prometteurs. Une fois mes repères pris (ce qui a mis un peu de temps du fait d’un vocabulaire très spécifique et peu expliqué, ce qui n’a par contre rien de surprenant en fantasy), j’ai apprécié la densité de cet univers, et ses colorations nordiques. J’ai également eu beaucoup d’affection pour Hòggni, personnage profondément attachant à la culture très intrigante, et Varka, femme que l’auteur désigne comme forte sans le faire réellement transparaître par des faits, et qui pourrait apporter beaucoup plus de profondeur au récit si elle servait moins souvent de faire-valoir à Kelt…

Je ne pense donc pas prendre de le temps de conclure cette duologie : ce premier tome m’a trop peu embarquée, et bien d’autres lectures m’attendent déjà sur mes étagères… Je suis d’autant plus déçue de n’avoir pas accroché qu’il a reçu un prix à sa sortie et que j’en ai vu de très bons retours ! Je vous invite donc à vous faire votre propre avis si ce roman vous intrigue, et si vous l’avez déjà lu, je suis curieuse de savoir ce que vous en avez pensé.

Rentrée des classes à l’Orilium Academy : le challenge lecture d’une école magique !

Depuis quelques années maintenant, la booktubeuse Book Roast propose un challenge littéraire à l’ambiance scolaire particulièrement satisfaisante. Il était à l’origine basé sur les deux sessions d’examens que passent les élèves de Poudlard, les B.U.S.E. et les A.S.P.I.C., puis l’organisatrice a choisi de créer son propre univers dans lequel adapter cette idée de base. Comme chaque année depuis un moment maintenant, je ne peux pas résister à ce challenge, et j’attends chaque session avec une impatience toute particulière !

Le principe est simple : on incarne un élève de l’Académie Orilium, école de magie remplie d’histoire, dans un monde varié et passionnant. Chaque année scolaire se compose de deux semestres, correspondant à deux mois de challenge dans l’année : le mois d’avril correspond au semestre de printemps, et le mois d’août au semestre d’automne. Pendant le semestre de printemps, chaque lecture permet de valider une matière spécifique, et permet donc d’avancer vers un bulletin scolaire aussi rempli que possible. Le semestre d’automne complique un peu la tâche, avec non pas un seul mais trois niveaux par matière.

Pour compléter cet univers et apporter de la densité au challenge, Book Roast propose un ensemble de carrières magiques, qui demandent chacune de valider un certain nombre de matières. Au fil des années, elle complète cet univers avec des guildes, des quêtes et autres objectifs secondaires, mais j’avoue que je me limite surtout à la validation de mes études magiques, objectif qui me satisfait amplement !

Cette année, j’ai repéré quatre carrières que j’aimerais viser : Spellsword (un genre de mercenaire de la magie), celle qui m’intéresse en priorité, ainsi qu’Herbologiste, Mage-Artisane et Maîtresse des Éléments. Je n’aurai pas pour objectif de valider toutes ces carrières, mais plutôt d’orienter mes lectures de manière à compléter d’abord les matières qu’elles requièrent. Et on verra bien, à la fin des deux sessions, quelles carrières je peux atteindre !

Je ne me prépare pas de PàL spécifique en avance, mais pour valider au moins le premier semestre de Spellsword, il faudra que je lise :

  • Études des créatures : après avoir jeté une pièce, une fiction si elle tombe sur pile, et une non-fiction si elle tombe sur face
  • Démonologie : un livre comparé à mon livre préféré
  • Restoration : un livre pioché au hasard les yeux fermés
  • Sorts et Incantations : un livre entre 389 et 415 pages

C’est un challenge qui me plaît et me motive énormément, et donne très souvent lieu à des mois bien remplis en lectures. J’espère que ce semestre de printemps me permettra de bien avancer parmi tous les livres qui attendent sur mes étagères ! Et vous, connaissez-vous ce challenge, et souhaitez-vous y participer ? Quels sont les challenges lecture que vous appréciez particulièrement ?

Pour en savoir davantage sur ce challenge, voici la vidéo où Book Roast explique son fonctionnement en détail : Beginners Guide to Magical Readathon. Pour découvrir l’édition 2023, voici la vidéo d’annonce : Magical Readathon Announcement: Orilium Spring Equinox 2023. Je précise au passage que ce challenge est organisé en Anglais, mais rien n’empêche de lire dans la langue de son choix !

Vox : une histoire de révoltes et de silences

Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…
~ Vox, de Christina Dalcher – Éditions NiL / Lizzie
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Intriguée par le postulat de base que propose Vox, j’ai été ravie de pouvoir le découvrir au format audio : je l’ai trouvé particulièrement adapté à ce récit, très interne, d’une femme que l’on veut faire taire ; mais si j’ai plutôt apprécié ma lecture, je suis malgré tout plus mitigée sur certains aspects.

Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est cette proposition et la manière dont elle prend corps au fil du récit : cette idée complètement totalitaire, profondément dystopique, absolument révoltante… et la manière dont elle s’est installée avec un naturel déconcertant dans ces États-Unis alternatifs. D’une manière qui rappelle par exemple La Vague (Todd Strasser), le récit montre l’évolution de cette société, l’insidieuse transformation de l’opinion publique par un parti qui prend de plus en plus d’importance, jusqu’à la mise en place de mesures absurdes qui, pourtant, semblent presque logiques dans ce contexte complètement transformé. J’ai notamment aimé le fait que ces événements, au lieu d’avoir une portée mondiale, se limitent aux frontières d’un pays : finalement, quelle légitimité auraient les puissances étrangères de s’immiscer dans la gestion d’un pays qui n’est pas le leur ? J’ai trouvé cet aspect, qui pourrait paraître anecdotique, particulièrement réaliste, et d’autant plus glaçant. Je note aussi un certain nombre de réflexions sur le langage, le développement cognitif et l’éducation, glissées au fil de l’intrigue, et que j’ai trouvées très intéressantes.

J’ai moins apprécié par contre le personnage principal, et l’intrigue dans laquelle elle évolue. C’est certainement une conséquence à la fois de son propre caractère et des nouvelles règles mises en place auxquelles elle doit se plier, mais je l’ai trouvée très passive durant une large partie du roman. Elle passe beaucoup de temps à se plaindre de sa situation et à souhaiter s’en sortir, mais l’action concrète n’arrive que trop tardivement à mon goût… Sans parler d’un petit effet deus ex machina qui intervient par moments et m’a fait légèrement lever les yeux au ciel. En quelque sorte, cette passivité a permis à l’autrice de laisser libre cours à l’évolution passionnante (et horrifiante) de cette nouvelle société qu’elle propose, mais je ne peux pas m’empêcher de regretter ce petit manque de dynamisme…

Au final, j’ai pris ce roman comme une exploration de l’autrice du postulat de base qu’elle propose, à laquelle elle a dû donner corps par le biais d’une intrigue mais qui n’est finalement pas le cœur du roman… Malgré quelques regrets, j’ai donc beaucoup aimé ce que propose l’autrice ici : le passage d’une société réelle à une dystopie glaçante. C’est un récit important, que je vous conseille si le sujet vous intéresse !

Une définition de la fantasy : peut-on délimiter les frontières du genre ?

La fantasy est un genre extraordinaire : il est tellement vaste, impossible à embrasser d’un seul regard… et ses frontières n’ont à ce jour toujours pas été atteintes ! Sa première apparition est sans cesse remise en question, et peut-être pourrait-on faire remonter ses origines aux premières légendes du monde. Sa définition ne met personne d’accord, et pour chaque proposition, on pourrait trouver de nombreuses exceptions ; pourtant, tout le monde visualise avec plus ou moins de précision ce que l’on entend par fantasy. Histoire d’ajouter ma pierre à cet édifice sans fin, je vous propose ma vision de la fantasy et de ce qui la démarque des autres genres de l’imaginaire.

définir la fantasy

Si l’on se penche sur ce qu’en disent les dictionnaires en ligne, on découvre ceci :

  • pour le Dictionnaire de l’Académie Française, le terme n’existe tout simplement pas ; quant à la fantaisie, autre orthographe parfois donnée au genre, elle désigne au mieux une « œuvre où l’imagination, qui n’est pas strictement soumise au respect de règles propres à un genre, se donne libre cours » : la fantasy serait donc tout ce qui n’est pas déjà un genre codifié
  • pour le Larousse, la fantasy se pare immanquablement d’une « atmosphère d’épopée », se mélange au fantastique et est synonyme d’heroic fantasy. C’est une vision que je ne trouve pas complètement erronée en soi, mais qui demeure à mon sens datée, et qui ne prend pas en compte les évolutions qu’elle a pu connaître ces dernières décennies.
  • le Robert propose une définition qui est peut-être celle des trois qui me convient le mieux : « Genre littéraire dans lequel l’action se déroule dans un monde imaginaire peuplé d’êtres surnaturels, mythiques ou légendaires ». Je trouve que cette proposition laisse beaucoup de place à tout ce que la fantasy peut être, aussi bien en termes de ton que de thématiques.

Pour ma part, je retiens particulièrement la proposition de Gillian Brousse dans son livre Voyage au cœur de la Science-Fiction (aux éditions Noir d’Absinthe) :

« La Fantasy présente l’irrationnel accepté. Le lecteur découvre un autre monde et en admet tacitement toutes les règles, tant qu’elles sont constantes. L’auteur joue avec l’impossible et n’est pas tenu d’offrir des explications. »

Ce que j’aime dans cette définition, c’est qu’elle exclut l’aspect littéral de la notion de surnaturel, pour se concentrer sur le pas de côté que propose la fantasy par rapport à notre monde réel : parfois, le surnaturel n’est pas au cœur de l’intrigue (voire complètement absent), et la fantasy tient alors au fait que l’on se trouve ailleurs, dans un monde simplement différent.

différencier les genres de l’imaginaire

Le Larousse évoque le genre du fantastique dans sa définition, et l’ailleurs que je mentionne ci-dessus pourrait tout autant s’apparenter à un univers de science-fiction. Ces trois sous-genres des littératures de l’imaginaire sont effectivement intimement liés, et si leurs frontières individuelles sont difficiles à établir, il est peut-être encore plus ardu de poser celles qui les différencient les uns des autres… Là encore, de nombreuses propositions existent pour définir les caractéristiques de chaque genre par rapport à ses voisins, notamment celle de Gillian Brousse dans l’ouvrage mentionné ci-dessus, mais voici comment, pour ma part, je les distingue :

→ Dans le fantastique, le surnaturel est présent également, mais sa source n’est pas identifiée : magie, créatures étranges, fantômes… C’est une cause d’inquiétude voire d’angoisse pour les protagonistes, et l’enjeu va être de parvenir à identifier ce surnaturel pour en déjouer la menace. Pour moi, cela permet notamment de différencier ces genres lorsqu’ils prennent tous les deux pied dans notre monde.

→ En science-fiction, l’ailleurs trouve sa source dans la science et la technologie, des éléments au fonctionnement connu et maîtrisé, là où la fantasy incorpore plutôt des éléments que l’on apparenterait à une forme de magie, une force éthérée dont le fonctionnement nous est globalement inconnu. Cette proposition permet par exemple de pencher pour la théorie selon laquelle Star Wars, avec d’une part ses vaisseaux spatiaux et d’autre part sa mythique Force, relèverait donc de la science-fantasy

le principe du « oui, mais »

À partir de ces définitions et des codes que l’on associe à la fantasy, on peut donc jouer au jeu des exemples et des contre-exemples. Le Seigneur des Anneaux (J.R.R. Tolkien) est considéré comme l’archétype de la fantasy, avec son souffle épique et ses différents peuples qui cohabitent ; mais Bertram le Baladin (Camille Leboulanger) est un parfait exemple d’une fantasy aux enjeux minimes, avec la quête strictement personnelle d’un personnage qui n’a que son talent pour le démarquer du reste du commun des mortels. L’Assassin Royal (Robin Hobb) est une fantasy profondément ancrée dans une inspiration médiévale, tandis que Les Lames du Cardinal (Pierre Pevel) prend place sous le règne de Louis XIII. Brandon Sanderson propose de longues sagas passionnantes aux tomes épais comme des parpaings, là où Aurélie Wellenstein se concentre sur des tomes uniques originaux et poignants. Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin (Laure Dargelos) est une aventure palpitante, fraîche et légère ; Kra (John Crowley) est au contraire un récit lent, très métaphorique, qui pose de nombreuses questions et prend le temps d’y réfléchir.

Si la fantasy demeure complexe à définir et à codifier, je pense que c’est un magnifique indicateur de ce qui en fait sa beauté et son intérêt : elle est vaste et ne cesse de s’étendre, elle explore constamment de nouveaux thèmes, renverse les codes établis pour en créer de nouveaux… En fantasy, il y en a pour tout le monde, pour tous les âges et tous les goûts. Je continuerai encore et encore à le répéter : la fantasy est un genre extraordinaire !

Et vous, quelle définition de la fantasy vous convient le mieux ? Quels exemples et contre-exemples vous viennent en tête lorsque l’on évoque ce genre ?

Inspirations printanières : que lire pour le retour des beaux jours ?

Vous le sentez, ce petit rayon de soleil sur votre visage, encore tout frais mais annonciateur du retour des beaux jours ? Vous les voyez, ces petits bourgeons prêts à éclore, ces petits insectes qui commencent à faire leurs premiers repérages ? Est-ce que tout ça ne vous donne pas envie de vous plonger dans des lectures de printemps, douces et lumineuses ? Si c’est le cas, voici une petite sélection de romans qui s’accordent à merveille avec cette saison qui arrive. Au programme : des univers légers et colorés, une nature qui s’éveille paisiblement, et d’agréables moments de lecture en perspective !

Le Vent dans les Saules, de Kenneth Grahame
Lecture de printemps par excellence, ce classique de la littérature jeunesse propose de suivre les aventures de quelques-uns des petits animaux qui peuplent les bords des rivières. Sous les saules, on prend le temps de s’émerveiller de la beauté de la nature et des petites choses du quotidien, et on reste soudé dans l’amitié quand survient l’adversité ! Quitte à (re)découvrir cette petite pépite de douceur, n’hésitez pas à en feuilleter une version illustrée : celles de Thibault Prugne (ci-contre) et de Chris Dunn sont particulièrement sublimes…

Le Paris des Merveilles, tome 1 : Les enchantements d’Ambremer, de Pierre Pevel
S’il est un univers de fantasy vivant et coloré, c’est bien celui du Paris des Merveilles ! Dans cette trilogie, l’auteur propose un Paris du début du XXe siècle alternatif, où s’invitent fées, magie et loufoquerie pour des enquêtes hautes en couleurs. Chaque tome propose une histoire indépendante, et le ton léger de la narration en fait un style qui se dévore. Si l’univers vous plaît, sachez qu’il a été complété par plusieurs recueils de nouvelles et séries de bande-dessinée : il n’y a pas de quoi s’ennuyer dans ce merveilleux Paris !

Au coeur du Yamato, tome 1 : Mitsuba, d’Aki Shimazaki
Puisque douceur et douleur ne sont distantes que d’une lettre, c’est entre les deux que choisit de naviguer cette autrice japonaise au travers des cinq récits interconnectés qui composent cette série. Avec une narration épurée et profondément intime, elle aborde dans chaque court roman une problématique marquante de la société japonaise : le poids de l’entreprise et des traditions, par exemple… Pourtant, même si le propos est poignant, l’autrice écrit avec beaucoup d’élégance et de sensibilité, et propose donc des récits dont émane une certaine lumière, idéaux pour ces douces journées de printemps que la pluie décide d’accompagner…

Orgueil et Préjugés, de Jane Austen
Elle est l’autrice par excellence des conversations fleuries, des sentiments naissants et des robes à rubans dans une campagne anglaise luxuriante, pourquoi ne pas (re)découvrir Jane Austen ce printemps ? Je vous propose ici Orgueil et Préjugés, mais on retrouve dans chacun de ses romans ce que j’aime beaucoup chez elle : une atmosphère pleine d’élégance et un humour mordant à souhait, critique assez moderne de la bonne société de l’époque. Sans parler des intrigues palpitantes qui parsèment le récit : va-t-il dépasser son orgueil ? Va-t-elle vaincre ses préjugés ?

Agatha Raisin, tome 1 : La quiche fatale, de M.C. Beaton
En Angleterre toujours, mais dans un autre registre, voici la fameuse Agatha Raisin ! Personnage haut en couleurs, cette jeune retraitée londonienne au caractère à couper au couteau est prête à tout pour mener son rêve à bien : une vie paisible dans un bucolique cottage des Cotswolds, au cœur de la campagne anglaise. Chaque tome nous embarque donc aux côtés de cette tonitruante et romantique Agatha, dans une folle ambiance « enquête et tasse de thé » ! Il s’agit de la première série de cosy mystery que j’ai découverte, et ma favorite pour l’instant ; mais je peux également vous conseiller Les Détectives du Yorkshire de Julia Chapman, ou Les Dames de Marlow de Robert Thorogood.

Miss Charity, tome 1 : L’enfance de l’art, de Loïc Clément & Anne Montel, d’après le roman de Marie-Aude Murail
Un régal pour les yeux autant que pour le cœur : voici ce que vous trouverez entre ces pages ! Si j’avoue n’avoir encore jamais lu le roman dont est tirée cette bande-dessinée, j’ai adoré découvrir ici cette jeune fille à la curiosité débordante. Elle n’a de cesse de partir à la découverte du monde qui l’entoure, d’apprendre à en connaître les moindres plantes et les moindres petites bêtes… C’est un personnage follement inspirant, sublimé par des planches magnifiques, lumineuses et colorées, fourmillantes de détails à observer !

Il y a bien sûr de très nombreuses autres lectures que je trouve particulièrement propices au printemps, mais j’espère que cette sélection assez éclectique vous aura donné quelques idées de saison. Et vous, quelles lectures vous inspire le retour des beaux jours ? Quels romans associez-vous volontiers au printemps ?

Magie contre Sourcellerie, et au milieu un Bagage à mille pattes

La magie, c’est de la bouillie pour les chats. Voici la sourcellerie, la puissance thaumaturgique de l’Aube des Temps ! Elle pénètre le Disque-Monde par l’entremise du huitième fils d’un mage (défroqué, oui!). Disons-le tout net : casse-cou. Faudra-t-il compter sur Rincevent pour sauver les meubles ? Il a plus d’un tour dans son sac percé. Il a aussi une équipe de choc, avec le pusillanime Bagage – tellement humain ! – et le subtil bibliothécaire de l’université des mages – tellement simiesque ! Avec Nijel le Destructeur, jeune héros par correspondance, et Conina, la fille du plus célèbre Barbare, par qui tombent les cœurs et les coups. Et, en prime, un séjour inoubliable dans la cité d’Al Khali, sous la houlette du Sériph Créosote.
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 05 : Sourcellerie, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Et hop, encore un tome de l’univers des Annales du Disque-Monde ! Avec celui-ci, je poursuis le cycle de Rincevent et des mages, et bien qu’il soit toujours très agréable à lire, ça n’est définitivement pas mon préféré.

Si les deux premiers tomes de ce cycle constituaient l’introduction de l’univers, la présentation de ses personnages et de ses spécificités, si les autres tomes introduisaient d’autres cycles avec leurs thématiques propres, j’ai eu la sensation que ce tome 5 revenait sur du pur divertissement. J’ai donc retrouvé ce plaisir simple de lire du Pratchett, avec sa narration si unique et son humour décapant, ces personnages complètement perdus face à des événements qui font un peu ce qu’ils ont envie de faire ; une part de moi regrette juste de ne pas avoir eu davantage à se mettre sous la dent.

Bien sûr, on sent ici toute la portée parodique des Annales du Disque-Monde, qui se moque avant tout des codes de son propre genre : des mages qui perdent tous leurs moyens dès lors que la magie se met à faire ce qu’elle veut, un héros aux bras de crevette qui rêve d’être Conan et une fille de Conan qui rêve d’être coiffeuse… et au milieu de tout ça, un personnage principal toujours aussi perdu, bringuebalé par les événements.

C’est d’ailleurs le seul reproche que je peux adresser de temps à autre à l’univers du Disque-Monde, et qui se ressent particulièrement dans ce tome-ci : parfois, j’ai presque la sensation que les personnages sont là uniquement pour donner corps à la narration, puisque c’est l’univers lui-même qui, après un dérèglement, va faire en sorte que les choses reviennent à la normale. Il en ressort quelque chose d’assez passif, mais qui d’un autre côté permet à l’aspect parodique de prendre toute son ampleur.

Ce tome-ci n’est donc clairement pas mon préféré, mais il en faut bien au moins un ! Cela n’entache pourtant pas mon affection pour l’univers du Disque-Monde, que je continuerai d’explorer avec délectation. Et vous, si vous avez lu quelques tomes de cette série, lequel vous a moins plu ?

Retrouvez d’autres tomes chroniqués et d’autres articles autour du Disque-Monde de Terry Pratchett en suivant le tag Disque-Monde.

Voyage au cœur de la science-fiction : le genre à la loupe

La Science-fiction incarne pour certains le domaine des possibles, alors que pour d’autres elle apparaît comme puérile, car souvent réduite à des stéréotypes éculés et des œuvres non représentatives.
Avec cet ouvrage, nous entendons vous faire (re) découvrir ce vaste genre aux multiples facettes capable comme nul autre de s’interroger sur notre monde.
Nous allons parcourir le temps à la recherche du moment où tout a commencé, rencontrer les précurseurs et les personnalités du genre, nous faufiler au cœur de récits majeurs et explorer ses thèmes de prédilection.
Qui que vous soyez, peu importe où et quand vous existez, vous découvrirez des œuvres qui résonneront en vous.
Alors, respirez un grand coup et accrochez-vous à ce livre, mais n’attachez pas vos ceintures, car là où nous allons, nous n’aurons plus besoin de routes…
~ Au cœur de la Science-Fiction, de Gillian Brousse (avec la participation de Rachel Gali, Wilfried Renaut, Magali Lefebvre, A.F Lune, Morgane Stankiewiez & Laurent Cazuguel) – Noir d’Absinthe
>> fiche livraddict

Ce livre a été reçu et est chroniqué dans le cadre d’un service presse : merci à la maison d’édition pour sa confiance !

Bien que très amatrice des littératures de l’imaginaire depuis toujours, de la fantasy en particulier, je n’étais jusqu’à récemment que peu intéressée par les univers proposés par la science-fiction. C’est pourtant un genre que je me mets à explorer tranquillement, voire à apprécier… J’étais donc ravie de pouvoir découvrir cet ouvrage qui propose de décortiquer le genre, son histoire et ses codes !

De manière assez logique, l’auteur présente la chronologie du genre, remontant assez loin dans ses premières apparitions, puis décortique son évolution au fil des décennies. Il aborde également les thèmes principaux de la science-fiction et ses sous-genres, avant de plonger dans de très nombreux exemples de la littérature, du cinéma et d’autres formes d’expression du genre, musicales et plastiques entre autres. J’ai aimé ce panorama très complet, où les nombreuses références permettent autant aux connaisseur.se.s de retrouver leurs repères qu’aux novices de découvrir de nouveaux titres à explorer.

Au-delà de cette approche, le discours est régulièrement entrecoupé d’articles, qui permettent d’ouvrir une large parenthèse sur un point en particulier, pour lesquels l’auteur confie parfois la plume à un.e autre auteur.rice. Ces apartés permettent d’en apprendre davantage sur une figure de la science-fiction ou sur un univers en particulier, et m’a souvent donné envie d’en découvrir plus ! Tout au long de ma lecture, j’ai bien sûr noté de très nombreuses références à aller explorer plus tard… D’ailleurs, chaque partie se conclut sur une liste de titres conseillés par l’auteur, pratique !

Seule petite ombre au tableau, qui est surtout due aux attentes que j’avais : l’ouvrage s’étend beaucoup sur le cinéma puis sur les séries télé de science-fiction. Je pensais surtout plonger dans les univers littéraires du genre, je ne m’attendais donc pas à ce que ce voyage prenne autant de temps pour explorer les univers de l’audiovisuel. Cela dit, l’auteur propose ainsi une approche beaucoup plus complète, que j’ai eu la bonne surprise de voir étendue jusqu’à des arts auxquels je ne m’attendais pas : les arts graphiques et plastiques notamment, ainsi que la musique.

Ce fut donc une lecture riche et très intéressante, que j’ai picorée avec beaucoup de curiosité. Je pense qu’elle saura plaire autant aux novices qu’aux initié.e.s, par son foisonnement de références et de thématiques abordées. C’est un ouvrage très complet, qui m’a permis une très belle plongée dans ce genre que je connais maintenant bien mieux : je vous le conseille chaleureusement ! D’ailleurs, est-ce que vous connaissez d’autres écrits sur les genres de l’imaginaire ?