Le Chien du Forgeron : quand l’animal fait la légende…

Approchez, approchez ! Alors que tombe la nuit froide, laissez moi vous divertir avec l’histoire de Cuchulainn, celui que l’on nomme le Chien du Forgeron ; celui qui s’est rendu dans l’Autre Monde plus de fois qu’on ne peut le compter sur les doigts d’une main, celui qui a repoussé à lui seul l’armée du Connacht et accompli trop d’exploits pour qu’on les dénombre tous.
Certains pensent sans doute déjà tout connaître du Chien, mais l’histoire que je m’apprête à vous narrer n’est pas celle que chantent les bardes. Elle n’est pas celle que l’on se raconte l’hiver au coin du feu. J’en vois parmi vous qui chuchotent, qui hésitent, qui pensent que je cherche à écorner l’image d’un grand homme. Pourtant vous entendrez ce soir l’histoire du Chien. L’histoire derrière la légende. L’homme derrière le mythe.
Approchez, approchez ! Venez écouter le dernier récit d’un homme qui parle trop…
~ Le Chien du Forgeron, de Camille Leboulanger – Argyll
>> fiche livraddict

Qu’il est bon de se lancer dans une lecture sans rien savoir de ce qu’on va y trouver… Pour celle-ci, j’y suis allée juste pour sa sublime couverture et quelques mots-clés glanés dans le résumé au dos, et je n’ai pas été déçue !

Il s’agit d’un récit particulièrement déroutant. Racontée par la voix de celui qui l’a connu dans l’ombre (et dont on apprendra peu à peu l’identité), on découvre ici l’histoire du Chien du Forgeron, de sa naissance à sa mort, de son premier nom à celui qui fit sa légende. C’est un style de narration que j’aime beaucoup, celle du personnage qui, à l’occasion d’une veillée, se met à conter à son auditoire auquel est intégré le lecteur ; et dans ce roman-ci j’ai été particulièrement happée par le conteur et par son histoire.

D’ailleurs, tout au long du récit, ce conteur ne cache pas son désamour pour celui dont il conte la légende : ce récit n’est pas fait pour être une légende. Ce n’est pas l’épique destin d’un homme légendaire, ni la tragique destinée d’un anti-héros déchu. Ça n’est pas même « l’histoire derrière la légende », comme on présente souvent les côtés plus sombres d’un personnage. C’est la réelle déconstruction du mythe : le Chien du Forgeron n’a pas une once de bien en lui, mais une animalité féroce, qui ne laisse que peu de place à l’humain.

Au fil du roman, on observe donc le déchaînement de cette bête furieuse. Peut-elle se lier à celles et ceux qui l’entourent ? Détient-elle autre chose que douleur et destruction ? A-t-elle réellement une place dans ce monde ? Dans la narration en elle-même, peut de choses autres que les faits sont racontés, et l’histoire avance parfois plutôt vite. Mais ce roman amène à questionner beaucoup de choses, à lire entre les lignes, à prendre du temps dans sa lecture. Et s’il demeure impossible de s’attacher à ce personnage, j’ai quand même versé une larmichette à la fin…

Je savais vaguement que Cúchulainn, le Chien du Forgeron, était un personnage de la mythologie celtique. Je pensais aller me renseigner davantage sur lui pour étoffer ma lecture, mais ce fut une expérience si singulière que je n’ai pas voulu m’en détourner l’esprit. Je vous la conseille vivement si vous cherchez des romans qui déroutent, et je suis comme d’habitude curieuse d’avoir vos retours si vous tentez l’expérience !

Retrouver ce livre dans une sélection thématique :
Inspirations concises

Les chevaliers du Tintamarre : du tintouin dans la basse-ville

Silas, Morue et Rossignol rêvent d’aventures et de grands faits d’armes tout en vidant chope de bière sur chope de bière à la taverne du Grand Tintamarre, qu’ils peuvent à peine se payer.
Lorsque la fantasque et très inégalitaire cité de Morguepierre, entassée sur les pentes d’un volcan, devient le théâtre d’enlèvements de jeunes orphelines et voit des marie-morganes s’échouer sur ses plages, les trois compères se retrouvent adoubés par un vieux baron défroqué et chargés de mener l’enquête. Les voilà lancés sur les traces d’un étrange spadassinge, d’un nain bossu et d’un terrible gargueulard, bien décidés à leur mettre des bâtons dans les roues… et des pains dans la tronche.
~ Les chevaliers du Tintamarre, de Raphaël Bardas – Mnémos
>> fiche livraddict

Ce roman-là me faisait de l’œil depuis un moment (on ne va pas se le cacher, la couverture n’y est pas pour rien), c’est donc avec une impatience toute particulière que je me suis plongée dans cette lecture !

Le début m’a happée, avec cette atmosphère un peu poisseuse, ces bas-fonds obscurs, cette ville si particulière, et ces personnages mal assortis et hauts en couleurs, qui rêvent de noblesse de cœur et d’âme depuis les tréfonds sordides d’une sombre cité. Les premières pages, remplies d’action, m’ont fait l’effet d’une entrée en trombe ! Dès le début, l’humour est décoiffant et le style est vif : ça part bien !

Et puis, l’intrigue se met en place. Elle est d’emblée assez complexe, et met en relation de nombreuses couches de cette société branlante. Mais je l’ai trouvée floue, peu limpide… Et malheureusement, à trop en faire, l’humour est passé de burlesque à grotesque, de grivois à lourd et gras. J’ai eu le sentiment d’un récit qui se cherche, qui n’a pas encore trouvé son équilibre…

Peu à peu, alors que l’histoire avance et que les personnages progressent, j’ai eu la sensation que toute tentative « d’humour pour l’humour » a été laissée de côté. Le récit s’est concentré sur les personnages, drôles par eux-mêmes quand c’était nécessaire, sinon simplement attachants. L’enquête a pris de l’ampleur, développant encore davantage l’aspect sinistre de l’univers, avec même quelques scènes profondément glauques. À cesser de vouloir trop en faire, j’ai trouvé que le récit était enfin parvenu à trouver un équilibre entre burlesque et policier, et offre alors une dernière partie et un dénouement particulièrement plaisants !

Au final, j’ai été prise par cette enquête, et même s’il y a eu des hauts et des bas dans ma lecture, je considère que j’y ai passé un bon moment. Cela dit, je comprends que ce roman déroute, et qu’il puisse ne pas correspondre aux attentes qu’on peut en avoir. Si vous tentez l’expérience, je serais curieuse de savoir ce que vous en avez pensé !

Les Veilleurs de Glargh, enquête au pays des bras cassés

Dans la grande cité de Glargh, en terre de Fangh, de fiers soldats font régner l’ordre. Bon, la plus grande part du boulot consiste à faire des rapports sur les dégâts provoqués par les aventuriers, mais la présence des uniformes rouges dans les rues rassure les badauds. C’est déjà ça.
Parmi ces respectables veilleurs, l’unité Furets est considérée comme de la bleusaille incompétente. Et plutôt mal assortie, par-dessus le marché : autour de l’héritier d’une longue lignée de charcutiers, on trouve notamment un ingénieur porté sur la bouteille, une amazone à la beigne facile, un médecin trop bavard, une Drow susceptible, un nobliau pistonné et même un Nain ! Puis voilà qu’on leur colle, en plus, une experte en magie dont personne ne sait trop quoi faire…
Quand les Furets se voient confier une véritable mission, ils s’imaginent que leur chance a tourné. Enfin une enquête digne de ce nom, et sur un double meurtre ! Mais à mesure que les indices pointent vers des personnages aussi puissants que dangereux, les Furets commencent à douter. L’affaire ne serait-elle pas trop grosse pour eux ? À croire qu’ils ont été choisis exprès pour échouer !
~ Les Veilleurs de Glargh, de John Lang – J’ai Lu
>> fiche livraddict

Le Donjon de Naheulbeuk, c’est l’univers de mon adolescence : je connaissais les épisodes par cœur, j’ai dévoré tous les livres, découvert à partir de là bien d’autres sagas MP3… Autant dire que quand j’ai vu celui-ci à la librairie, je l’ai ramené à la maison pour ma petite dose de nostalgie.

Et ce roman a été pile à la hauteur de ce que je lui demandais ! J’ai retrouvé avec délice l’univers de Fangh et ses loufoqueries, ses Nains et ses mages, cette ambiance qui sent bon les souvenirs d’ado… Pour la première fois, on suit un groupe de personnages complètement inédits, qui certes rappellent souvent les héros que nous connaissons, mais qui savent pourtant se démarquer : l’équipe, plus grande, est composée de soldats aux origines et profils variés. Si on retrouve la Barbare et le Nain, on découvre par exemple une Efle Noire, un médecin, un artilleur… Ces nouvelles têtes, ajoutées au contexte assez nouveau d’une milice urbaine, apportent une petite dose de fraîcheur qui fait du bien.

Côté histoire, nos soldats sont envoyés sur une enquête mystérieuse, qui se révèle rapidement bien plus complexe qu’il n’y paraît. J’ai souvent eu l’impression que cette enquête n’était pourtant pas tant que ça au centre du propos, qui se concentre avant tout sur les personnages et leurs incapacités respectives à faire face aux événements qui leur tombent dessus. Du pur John Lang, quoi. Il n’y a donc pas vraiment moyen d’enquêter en tant que lecteur, mais comme dit plus haut, je ne suis pas venue pour ça, et j’ai passé un excellent moment à suivre les nombreuses péripéties ! La fin est peut-être un poil rapide, mais quelque part c’est tout aussi bien : on a suivi les personnages jusqu’au bout de ce qu’ils pouvaient faire, à d’autres maintenant de s’occuper de la suite des événements. Et qui sait-peut-être aurons-nous une suite ?

Seul petit bémol : je ne le conseillerais pas à des personnes qui ne connaissent pas du tout l’univers, étant donné que l’auteur ne prend pas vraiment le temps de le présenter ici, ni de rappeler les événements de l’Orbe de Xaraz et du Conseil de Suak… Pour tous les adeptes, par contre, c’est une très bonne lecture que je vous conseille chaudement !