Une définition de la fantasy : peut-on délimiter les frontières du genre ?

La fantasy est un genre extraordinaire : il est tellement vaste, impossible à embrasser d’un seul regard… et ses frontières n’ont à ce jour toujours pas été atteintes ! Sa première apparition est sans cesse remise en question, et peut-être pourrait-on faire remonter ses origines aux premières légendes du monde. Sa définition ne met personne d’accord, et pour chaque proposition, on pourrait trouver de nombreuses exceptions ; pourtant, tout le monde visualise avec plus ou moins de précision ce que l’on entend par fantasy. Histoire d’ajouter ma pierre à cet édifice sans fin, je vous propose ma vision de la fantasy et de ce qui la démarque des autres genres de l’imaginaire.

définir la fantasy

Si l’on se penche sur ce qu’en disent les dictionnaires en ligne, on découvre ceci :

  • pour le Dictionnaire de l’Académie Française, le terme n’existe tout simplement pas ; quant à la fantaisie, autre orthographe parfois donnée au genre, elle désigne au mieux une « œuvre où l’imagination, qui n’est pas strictement soumise au respect de règles propres à un genre, se donne libre cours » : la fantasy serait donc tout ce qui n’est pas déjà un genre codifié
  • pour le Larousse, la fantasy se pare immanquablement d’une « atmosphère d’épopée », se mélange au fantastique et est synonyme d’heroic fantasy. C’est une vision que je ne trouve pas complètement erronée en soi, mais qui demeure à mon sens datée, et qui ne prend pas en compte les évolutions qu’elle a pu connaître ces dernières décennies.
  • le Robert propose une définition qui est peut-être celle des trois qui me convient le mieux : « Genre littéraire dans lequel l’action se déroule dans un monde imaginaire peuplé d’êtres surnaturels, mythiques ou légendaires ». Je trouve que cette proposition laisse beaucoup de place à tout ce que la fantasy peut être, aussi bien en termes de ton que de thématiques.

Pour ma part, je retiens particulièrement la proposition de Gillian Brousse dans son livre Voyage au cœur de la Science-Fiction (aux éditions Noir d’Absinthe) :

« La Fantasy présente l’irrationnel accepté. Le lecteur découvre un autre monde et en admet tacitement toutes les règles, tant qu’elles sont constantes. L’auteur joue avec l’impossible et n’est pas tenu d’offrir des explications. »

Ce que j’aime dans cette définition, c’est qu’elle exclut l’aspect littéral de la notion de surnaturel, pour se concentrer sur le pas de côté que propose la fantasy par rapport à notre monde réel : parfois, le surnaturel n’est pas au cœur de l’intrigue (voire complètement absent), et la fantasy tient alors au fait que l’on se trouve ailleurs, dans un monde simplement différent.

différencier les genres de l’imaginaire

Le Larousse évoque le genre du fantastique dans sa définition, et l’ailleurs que je mentionne ci-dessus pourrait tout autant s’apparenter à un univers de science-fiction. Ces trois sous-genres des littératures de l’imaginaire sont effectivement intimement liés, et si leurs frontières individuelles sont difficiles à établir, il est peut-être encore plus ardu de poser celles qui les différencient les uns des autres… Là encore, de nombreuses propositions existent pour définir les caractéristiques de chaque genre par rapport à ses voisins, notamment celle de Gillian Brousse dans l’ouvrage mentionné ci-dessus, mais voici comment, pour ma part, je les distingue :

→ Dans le fantastique, le surnaturel est présent également, mais sa source n’est pas identifiée : magie, créatures étranges, fantômes… C’est une cause d’inquiétude voire d’angoisse pour les protagonistes, et l’enjeu va être de parvenir à identifier ce surnaturel pour en déjouer la menace. Pour moi, cela permet notamment de différencier ces genres lorsqu’ils prennent tous les deux pied dans notre monde.

→ En science-fiction, l’ailleurs trouve sa source dans la science et la technologie, des éléments au fonctionnement connu et maîtrisé, là où la fantasy incorpore plutôt des éléments que l’on apparenterait à une forme de magie, une force éthérée dont le fonctionnement nous est globalement inconnu. Cette proposition permet par exemple de pencher pour la théorie selon laquelle Star Wars, avec d’une part ses vaisseaux spatiaux et d’autre part sa mythique Force, relèverait donc de la science-fantasy

le principe du « oui, mais »

À partir de ces définitions et des codes que l’on associe à la fantasy, on peut donc jouer au jeu des exemples et des contre-exemples. Le Seigneur des Anneaux (J.R.R. Tolkien) est considéré comme l’archétype de la fantasy, avec son souffle épique et ses différents peuples qui cohabitent ; mais Bertram le Baladin (Camille Leboulanger) est un parfait exemple d’une fantasy aux enjeux minimes, avec la quête strictement personnelle d’un personnage qui n’a que son talent pour le démarquer du reste du commun des mortels. L’Assassin Royal (Robin Hobb) est une fantasy profondément ancrée dans une inspiration médiévale, tandis que Les Lames du Cardinal (Pierre Pevel) prend place sous le règne de Louis XIII. Brandon Sanderson propose de longues sagas passionnantes aux tomes épais comme des parpaings, là où Aurélie Wellenstein se concentre sur des tomes uniques originaux et poignants. Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin (Laure Dargelos) est une aventure palpitante, fraîche et légère ; Kra (John Crowley) est au contraire un récit lent, très métaphorique, qui pose de nombreuses questions et prend le temps d’y réfléchir.

Si la fantasy demeure complexe à définir et à codifier, je pense que c’est un magnifique indicateur de ce qui en fait sa beauté et son intérêt : elle est vaste et ne cesse de s’étendre, elle explore constamment de nouveaux thèmes, renverse les codes établis pour en créer de nouveaux… En fantasy, il y en a pour tout le monde, pour tous les âges et tous les goûts. Je continuerai encore et encore à le répéter : la fantasy est un genre extraordinaire !

Et vous, quelle définition de la fantasy vous convient le mieux ? Quels exemples et contre-exemples vous viennent en tête lorsque l’on évoque ce genre ?

Magie contre Sourcellerie, et au milieu un Bagage à mille pattes

La magie, c’est de la bouillie pour les chats. Voici la sourcellerie, la puissance thaumaturgique de l’Aube des Temps ! Elle pénètre le Disque-Monde par l’entremise du huitième fils d’un mage (défroqué, oui!). Disons-le tout net : casse-cou. Faudra-t-il compter sur Rincevent pour sauver les meubles ? Il a plus d’un tour dans son sac percé. Il a aussi une équipe de choc, avec le pusillanime Bagage – tellement humain ! – et le subtil bibliothécaire de l’université des mages – tellement simiesque ! Avec Nijel le Destructeur, jeune héros par correspondance, et Conina, la fille du plus célèbre Barbare, par qui tombent les cœurs et les coups. Et, en prime, un séjour inoubliable dans la cité d’Al Khali, sous la houlette du Sériph Créosote.
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 05 : Sourcellerie, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Et hop, encore un tome de l’univers des Annales du Disque-Monde ! Avec celui-ci, je poursuis le cycle de Rincevent et des mages, et bien qu’il soit toujours très agréable à lire, ça n’est définitivement pas mon préféré.

Si les deux premiers tomes de ce cycle constituaient l’introduction de l’univers, la présentation de ses personnages et de ses spécificités, si les autres tomes introduisaient d’autres cycles avec leurs thématiques propres, j’ai eu la sensation que ce tome 5 revenait sur du pur divertissement. J’ai donc retrouvé ce plaisir simple de lire du Pratchett, avec sa narration si unique et son humour décapant, ces personnages complètement perdus face à des événements qui font un peu ce qu’ils ont envie de faire ; une part de moi regrette juste de ne pas avoir eu davantage à se mettre sous la dent.

Bien sûr, on sent ici toute la portée parodique des Annales du Disque-Monde, qui se moque avant tout des codes de son propre genre : des mages qui perdent tous leurs moyens dès lors que la magie se met à faire ce qu’elle veut, un héros aux bras de crevette qui rêve d’être Conan et une fille de Conan qui rêve d’être coiffeuse… et au milieu de tout ça, un personnage principal toujours aussi perdu, bringuebalé par les événements.

C’est d’ailleurs le seul reproche que je peux adresser de temps à autre à l’univers du Disque-Monde, et qui se ressent particulièrement dans ce tome-ci : parfois, j’ai presque la sensation que les personnages sont là uniquement pour donner corps à la narration, puisque c’est l’univers lui-même qui, après un dérèglement, va faire en sorte que les choses reviennent à la normale. Il en ressort quelque chose d’assez passif, mais qui d’un autre côté permet à l’aspect parodique de prendre toute son ampleur.

Ce tome-ci n’est donc clairement pas mon préféré, mais il en faut bien au moins un ! Cela n’entache pourtant pas mon affection pour l’univers du Disque-Monde, que je continuerai d’explorer avec délectation. Et vous, si vous avez lu quelques tomes de cette série, lequel vous a moins plu ?

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Le Livre des Radieux : une suite toute en superlatifs !

Je me souviens des jours avant l’Ultime Désolation.
Avant que les Hérauts ne nous abandonnent, et que les Chevaliers Radieux se retournent contre nous. Des jours où la magie était encore de ce monde, et l’honneur dans le cœur des hommes. Aujourd’hui nous surveillons quatre personnes. La première est un chirurgien qui est devenu soldat dans une guerre brutale. La deuxième est un assassin qui pleure en tuant. La troisième est une jeune femme dont la robe d’étudiante abrite une âme de voleuse et de traîtresse. La dernière est un prince dont les yeux se sont ouverts sur le passé, tandis que son appétit pour la guerre décroît.
Le monde changera.
Ces quatre personnes sont la clé.
L’une d’entre elles nous aidera. L’une d’entre elles nous détruira.
~ Les Archives de Roshar, tome 2 : Le Livre des Radieux pt.2, de Brandon Sanderson – Le Livre de Poche
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J’ai peut-être attendu longtemps avant de reprendre la lecture de ce second tome, mais il ne m’a fallu que quelques pages pour retrouver mes marques dans cet univers désormais si familier ; et quel plaisir de retrouver ces personnages que j’affectionne tant !

Si ce demi-tome m’a moins fait l’effet wahou qu’ont pu me faire les précédents par leurs nombreuses et inattendues révélations, il n’en reste pas moins absolument époustouflant. Je pense notamment à la dernière partie, qui amène une résolution plutôt extraordinaire ! Elle conclut d’ailleurs magnifiquement toute l’épopée de ces deux premiers tomes, et annonce de très grandes choses pour la suite des événements.

Côté personnages, j’ai l’impression de les voir évoluer de plus en plus vite… Shallan, qui n’avait pourtant pas ma préférence au début, prend de l’ampleur et de la profondeur, et j’aime la voir évoluer au sein des nouveaux enjeux qui s’installent autour d’elle. J’ai moins aimé ce que devient ici Kaladin, qui se perd un peu, attendant patiemment le moment où l’auteur aura besoin de lui pour un retournement de situation… Dalinar, quant à lui, m’inspire de plus en plus de respect et de sympathie, et évolue dans une direction qui me plaît beaucoup.

Sans surprise, j’ai donc retrouvé dans ce demi-tome tout ce que je recherche quand je me tourne vers cet auteur et cet univers : de l’action et des retournements de situation, des mystères et des révélations épiques, des personnages tout en nuances et des destinées qui s’affirment… Je regrette juste les premières lueurs d’un triangle amoureux peu convaincant, mais qu’importe : je me plongerai dans le tome suivant avec toujours autant d’enthousiasme !

Dompteur d’avalanches, une fantasy des alpages

Ditto, quatorze ans, tient lieu de guide à des excursionnistes venus des plaines. Un jour, lors de l’attaque d’un monstre des cimes, il se découvre un don pour déclencher avalanches, coulées et crues. Un don puissant.
Or les écouleurs sont craints et haïs par les montagnards. Bientôt, Ditto se retrouve dans la peau d’un paria et contraint à la fuite. En compagnie d’amis inattendus , il va demander son aide à la Lorlaïe, la nymphe du grand glacier.
Mais le marché que lui propose cette dernière lui paraît inacceptable…
~ Le Dompteur d’avalanches, de Margot Delorme – Les Moutons Électriques
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Ce livre a été reçu et est chroniqué dans le cadre d’un service presse : merci à la maison d’édition pour sa confiance !

Toujours adepte des univers qui s’écartent un peu des sentiers battus, j’ai été ravie de pouvoir découvrir ce roman, dont j’ai pourtant très peu entendu parler.

Dès le début, j’ai été marquée par le ton plus jeunesse que ce à quoi je m’attendais. Rien de dérangeant cela dit : une fois ce fait accepté, on profite du récit qui se déroule… J’ai aussi été frappée par l’ambiance, très bien retranscrite : dans ce petit village de montagne, on entend les cloches des vaches, on voit les habitants avec leurs gilets en peau de mouton, on sent les odeurs du fromage et des pâturages, on aperçoit même quelques marmottes… Couplé avec le format audio, j’ai adoré ce ton de conte montagnard chaleureux et réconfortant.

J’ai également beaucoup aimé l’aspect initiatique de l’aventure dans laquelle est propulsé le personnage principal, Ditto. Alors qu’il se découvre une magie inconnue, tout un univers s’ouvre à lui et se dévoile petit à petit. Au fur et à mesure de sa progression, il fait la rencontre de nouvelles créatures aux pouvoirs inédits, et si j’ai pu trouver brièvement des airs de catalogue à cette succession de personnages, elle souligne bien l’immersion de Ditto dans ce nouvel univers, l’acceptation et l’apprentissage de son nouveau don.

Je déplore malheureusement l’intrigue très linéaire, certes propre au format du récit initiatique, mais où j’ai trouvé la progression presque trop facile pour les protagonistes. Cela dit, l’aspect conte du récit contrebalance très bien ce léger défaut, puisque j’ai finalement adoré suivre ces aventures, m’imaginant au coin du feu tandis que le narrateur relate avec passion chacune des péripéties…

Ce fut donc une agréable découverte, notamment de par son format audio. Cela ne restera malheureusement pas une lecture mémorable pour son intrigue, mais je garderai de bons souvenirs de l’atmosphère profondément montagnarde et chaleureuse qui s’en dégage ; et rien que pour ça, c’est une lecture que je recommande fortement !

Tolkien conteur : d’une anecdote à l’épopée de Roverandom

Le jeune Michael Tolkien a perdu son jouet fétiche, un petit chien de plomb. Pour le consoler, son père imagine un conte extraordinaire. Celui du jeune chiot Rover qui, pour s’être montré insolent avec un magicien, est transformé en minuscule jouet. Une nuit, Cendré le goéland l’emporte vers la lune. Rover y découvre alors le Lunehomme et le Lunechien, le Dragon Blanc et son nouveau nom : Roverandom.
~ Roverandom (lu en V.O.), de J.R.R. Tolkien – Harper Collins
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Si vous vous êtes déjà penché.e.s sur ce court récit de l’illustre J.R.R. Tolkien, vous aurez certainement entendu parler de son contexte de publication : en vacances sur la côte anglaise, l’un de ses fils égare son jouet en forme de chien, et Tolkien décide de le réconforter en inventant au jouet une histoire remplie de péripéties !

Je pense qu’il est important de connaître cette anecdote au moment d’entamer la lecture de Roverandom, puisqu’elle explique certains éléments qui, sinon, peuvent à mon avis paraître hors de propos ou trop peu approfondis. Le rythme est lui aussi un peu particulier, alternant entre aventures effrénées et longs passages tranquilles : il résulte je pense de l’écriture épisodique de l’auteur, qui avançait au fil de son inspiration et qui n’a ensuite que très peu retravaillé ce texte. Enfin, j’ai retrouvé dans la narration de Roverandom l’oralité que j’avais adorée dans Le Hobbit, et qui est ici encore plus marquée : si on tend bien l’oreille, on peut presque entendre la voix de Tolkien lui-même lorsqu’il lit chaque épisode à ses enfants installés autour de lui…

J’ai beaucoup aimé retrouver ce qui fait, au fil de ses récits et poèmes, l’imaginaire de Tolkien : un mélange de conte, de mythologie et d’éléments qui lui sont propres. J’ai repéré plein de liens avec son univers de la Terre du Milieu, et j’ai découvert d’autres univers et personnages que j’aurais adoré explorer davantage, notamment le monde de la Lune, son Lunehomme et son Lunechien, Psamathos le sorcier…

Cette édition en V.O. est accompagnée, en plus d’une introduction passionnante, de tout un ensemble d’illustrations, que j’ai adoré découvrir et fur et à mesure du texte. J’aime beaucoup l’ambiance que dégagent en général les illustrations de Tolkien, avec ce dessin imparfait et cette palette de couleurs si particulière, et je trouve que ça rajoute beaucoup à l’expérience de lecture de découvrir les deux éléments ensemble comme ce fut le cas ici.

Que vous ayez déjà découvert l’univers de la Terre du Milieu ou non, je vous conseille chaudement la découverte de ce court texte ! Il n’est pas exempt de défauts, mais il est rempli de cette magie « simple » du conte, et propose un voyage doux et dépaysant à souhait. Et vous, vous l’avez lu ? Quels autres écrits de l’auteur avez-vous déjà découverts ?

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Mortimer, l’ordre des choses et les choix de carrière

Mortimer court à travers champs, agitant les bras et criant comme une truie qu’on égorge. Et non. Même les oiseaux n’y croient pas. « Il a du coeur », fait le père adossé contre un muret. « Dame,c’est le reste qui lui manque », répond l’oncle Hamesh. Mais à la foire à l’embauche, la Mort le remarque et l’emporte sur son cheval Bigadin. Il faut la comprendre : elle a décidé de faire sa vie. Avec un bon commis, elle pourrait partager le travail quotidien, ce qui lui laisserait des loisirs. Un grand destin attend donc Mortimer. Mais… est-ce bien raisonnable ?
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 4 : Mortimer, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Je reprends tranquillement le rythme de lire ou relire régulièrement un tome du Disque-Monde, j’ai donc redécouvert Mortimer, premier tome du cycle de la Mort !

Même si le cycle des sorcières garde ma préférence, celui de la Mort n’est pas loin derrière. Ce personnage universel et intemporel y est confronté à la vie, à l’existence, à l’humanité, et à ce qui les rendent intéressantes et importantes (ou non). Sans cesse en décalage avec les codes de la société, la Mort est l’occasion idéale pour l’auteur de mettre le doigt sur les absurdités de notre monde ; tout en rappelant que, même si elle ne fait pas toujours sens et si elle prendra fin un jour, la vie a toujours quelque chose à apporter.

C’est cette double inéluctabilité qui est au centre de l’intrigue de Mortimer : celle de la mort et celle de la vie. Est-elle menée par nos choix ou pré-écrite dans notre destinée ? Peut-on la modifier, et quelles en seront les conséquences ? Au-delà de ces vastes questionnements existentiels, le roman aborde aussi le notion de morale et, en quelque sorte, de la conscience professionnelle : faire son travail, dont l’importance est primordiale à l’équilibre du monde ? Ou faire ce qui nous semble juste ? Peut-être est-ce la mission confiée qui est la plus juste, même si elle n’en a pas l’air au premier abord ?

Au-delà de ces thématiques passionnantes, j’ai adoré retrouver la narration si particulière et si délectable de Pratchett. Mortimer est un personnage attachant, qui évolue énormément au fil du récit et qu’il est plaisant de voir se développer et prendre de l’assurance. Les événements finaux promettent de grandes choses d’ailleurs, que j’ai hâte de retrouver dans les tomes suivants !

Cette relecture est donc un franc succès : elle a renouvelé mon affection pour le personnage de la Mort, et me donne très envie de me plonger dans les autres tomes de ce cycle ! Et vous, aimez-vous ce cycle de la Mort dans les Annales du Disque-Monde ?

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Vers de nouveaux horizons avec les Aventuriers de la Mer

Les vivenefs sont des vaisseaux magiques attachés par des liens empathiques à la famille qui les possède. Ces navires insaisissables bravent les tempêtes, évitent les récifs, distancent les monstres marins, sèment les pirates… et font l’objet de toutes les convoitises. Le capitaine de la Vivacia, Ephron Vestrit, se meure. Parmi les siens, chacun ourdit complot et trahison pour s’approprier son vaisseau, car une vivenef ne se transmet pas comme un legs ordinaire. Pendant ce temps, d’autres dangers se profiles à l’horizon : les serpents de mer qui infestent les océanes se regroupent, et un ambitieux pirate aspire à unir ses pairs sous un seul pavillon : le sien.
~ Les Aventuriers de la Mer, tome 1 : Le vaisseau magique, de Robin Hobb – J’ai Lu
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Après avoir dévoré et adoré Retour au Pays, cette coute novella de transition entre la première partie de l’Assassin Royal et les Aventuriers de la Mer, j’étais loin d’en avoir eu assez de la plume de Robin Hobb. J’ai donc, tout naturellement, enchaîné sur le premier tome des Aventuriers de la Mer !

Changement de décor total, il a fallu refaire la connaissance de nouveaux personnages et de nouveaux environnements. J’ai réussi à m’attacher dès le début à Théa, jeune fille fougueuse, ainsi qu’à Hiémain, douce âme ballotée par les volontés qui l’entourent. On m’avait prévenue, mais Royal trouve lui aussi son digne successeur dans cette série, avec un personnage qui se hisse déjà parmi les plus haïssables qu’il m’ait été donnés de rencontrer. Les tomes suivants vont s’annoncer éprouvants…

Malgré quelques apartés qui n’ont pas encore complètement fait le lien avec l’intrigue principale, on ne voyage pas encore beaucoup ; certainement pour nous laisser le temps d’assimiler les nouveaux éléments. J’ai d’ailleurs adoré rencontrer les Vivenefs (dont j’ai trouvé le processus d’éveil particulièrement émouvant), et j’ai très, très hâte de les voir évoluer auprès des humains, de leurs conflits et de leurs destins.

Si je devais formuler un tout petit regret, je dirais que la narration interne me manque, pour cet attachement rapide qu’elle apporte envers le personnage principal. Cela dit, l’autrice nous embarque ici auprès de nombreux protagonistes dont les chemins vont s’entrecroiser, il s’agira donc peut-être d’une richesse de la narration qui s’exprimera d’une manière différente !

Quoi qu’il en soit, je suis conquise par ce premier tome, et j’ai très hâte de poursuivre ces nouvelles aventures dans le Royaume des Anciens. Et vous, où en êtes-vous des écrits de Robin Hobb ? Quel est votre personnage favori des Aventuriers de la Mer ?

Retrouver d’autres tomes chroniqués :
L’Assassin Royal – Première époque :
Tome 4 : Le poison de la vengeance
Tome 5 : La voie magique
Tome 6 : La reine solitaire
Les Aventuriers de la Mer :
Retour au Pays : Prélude aux Aventuriers de la Mer

Retour au pays du péril des marais et de l’esprit

Ce que l’esprit conscient ne perçoit pas, le cœur le sait déjà. Dans un rêve. j’ai traversé comme le vent ce désert des Pluies, en rasant le sol mou, passant au travers des ramures qui se balançaient. Insoucieuse de la fange et de l’eau corrosive, j’ai pu voir soudain la beauté aux multiples strates des alentours. Je me tenais en équilibre, oscillant, comme un oiseau, sur une fronde de fougères. Un esprit du désert des Pluies m’a murmuré : « Essaie de le dominer et il t’engloutira. Incorpore-toi à lui, et tu vivras. »
~ Retour au Pays : Prélude aux Aventuriers de la mer, de Robin Hobb – J’ai Lu
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Alors que je terminais il y a quelque temps la première partie de l’Assassin Royal, l’adorable Hugo @enchanteurlitteraire me mettait dans les mains (encore merci !) ce prélude à la série qui prend la suite chronologique des événements, Les Aventuriers de la mer. C’est donc complètement à l’aveugle et conquise par avance que je me suis lancée dans cette courte lecture, et quel agréable moment ce fut !

L’autrice nous embarque ici dans une région de son univers complètement différente : si la première partie de l’Assassin Royal se terminait au cœur des montagnes enneigées, on découvre ici les marais humides et hostiles des Rivages Maudits. C’est donc un premier pas vers un univers encore plus vaste qu’il ne l’a été jusqu’alors !

J’ai beaucoup aimé découvrir cette nouvelle région, inhospitalière et dangereuse. Je retiens particulièrement cette espèce de volonté propre qui semble y régner, face à laquelle tous les nouveaux arrivants ont dû faire leurs preuves, et contre laquelle ils ont dû se battre pour ne pas perdre l’esprit. J’ai aimé observer les réactions de chacun, et j’ai adoré cette ambiance pesante qui règne sur tout le récit, notamment sur la dernière partie, dans les profondeurs… Je ne m’y attendais pas, mais c’était une lecture parfaite pour cette période sombre et brumeuse où j’ai pu la découvrir !

Au-delà du dépaysement total et de cette atmosphère prenante, l’autrice nous présente un tout nouveau personnage, une femme de la haute société de Jamaillia que j’ai trouvée particulièrement imbuvable dans les premières entrées de son carnet de bord. Mais puisque c’est là qu’excelle Robin Hobb, ce personnage gagne rapidement énormément de profondeur et de nuance, et devient en quelques dizaines de pages à peine une femme attachante et marquante. J’ai finalement adoré la suivre au long de son épopée, pour finir vraiment émue par son histoire.

Avec ce court texte de transition, la page est donc tournée vers les Aventuriers de la mer. Mais même s’il dépasse à peine les 100 pages, ça reste un témoignage de plus de l’autrice sur son talent de conteuse et de portraitiste que je ne suis pas prête d’oublier ! Et vous, vous avez lu cette nouvelle ?

Retrouver d’autres tomes chroniqués :
L’Assassin Royal – Première époque :
Tome 4 : Le poison de la vengeance
Tome 5 : La voie magique
Tome 6 : La reine solitaire

L’heure du bilan : retour sur mes lectures marquantes de l’année !

Comme il est d’usage à la fin d’une année, je prends le temps de revenir sur les lectures qui m’ont marquée au cours de ces douze derniers mois ! Peu adepte de statistiques, je me contenterai d’observer que j’ai lu à peine plus de 70 livres en 2022 (mais décembre n’est pas terminé), en lirai-je davantage l’an prochain ? En tout cas, voici un petit aperçu des lectures qui ressortent pour chaque mois de lecture, et que je vous conseille encore une fois chaleureusement.

Janvier

Les Archives de Roshar, tome 2 : Le Livre des Radieux (partie 1), de Brandon Sanderson
Une plongée décoiffante dans cet univers toujours aussi épique, avec des révélations qui retournent le cerveau !

Février

Les chroniques de St Mary’s, tome 01 : Un monde après l’autre, de Jodi Taylor
Un univers foisonnant, un récit haletant et des personnages attachants, pour un résultat des plus divertissants.

Mars

Kra : Dar Duchesne dans les ruines de l’Ymr, de John Crowley
Est-ce qu’avouer que je pense encore à Dar Duchesne dès que je vois une corneille donne une idée d’à quel point ce récit m’a marquée ?

Avril

Skyward, tome 1 : Vers les étoiles, de Brandon Sanderson
Découverte de l’auteur en-dehors de la fantasy, et je suis plus que conquise par l’atmosphère unique de ce premier tome.

Mai

Les baleines célestes, d’Élodie Serrano
Un moment tout en douceur, légèreté et onirisme, pour un roman qui ne délaisse pourtant pas une intrigue et des personnages passionnants à suivre.

Juin

Mémoires de la forêt : Les souvenirs de Ferdinand Taupe, de Mickaël Brun-Arnaud
Une aventure profondément touchante, qui met la larme à l’œil et du baume au cœur !

Juillet

Blackwater, tome 6 : Pluie, de Michael McDowell
Le feuilleton-événement de cet été, j’ai adoré l’expérience de suivre ce destin familial sur des publications de tomes rapprochées.

Août

L’Assassin Royal, tome 6 : La reine solitaire, de Robin Hobb
Enfin (ou déjà ?) la fin de ce premier cycle, ce n’est que le début d’une formidable aventure dans cet immense univers !

Septembre

Le Désert des couleurs, d’Aurélie Wellenstein
Découverte de l’autrice avec ce roman marquant, tout en nuance et en profondeur, qui me donne très envie d’aller lire ses autres écrits.

Octobre

L’âme du chien, d’Antoine Ducharme
Un roman court mais unique et une narration hors du commun, pour une expérience aussi belle que déroutante.

Novembre

Mexican Gothic, de Silvia Moreno-Garcia
Ambiance sombre et brumeuse pour un récit qui touche à l’horreur et fait son petit effet si on le lit à la nuit tombée !

Décembre

La maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski
En cours de lecture mais tout près de la fin, c’est sans conteste une expérience de lecture extraordinaire.

Et vous, quelles lectures vous ont marqué.e.s cette année ? Avez-vous atteint un objectif que vous vous étiez fixé ? Que prévoyez-vous pour 2023 ?

La huitième fille : magicellerie dans le Bélier

Sentant venir sa mort prochaine, le mage Tambour Billette organise la transmission de ses pouvoirs, de son bourdon, de son fonds de commerce. Nous sommes sur le Disque-Monde (vous y êtes ? Nous y sommes). La succession s’y effectue de huitième fils en huitième fils. Logique. Ainsi opère le mage. Puis il meurt. Or, il apparaît que le huitième fils est cette fois… une fille. Stupeur, désarroi, confusion : jamais on n’a vu pareille incongruité. Trop tard, la transmission s’est accomplie au profit de la petite Eskarina. Elle entame son apprentissage sous la houlette rétive de la sorcière Mémé Ciredutemps…
~ La huitième fille, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Je continue mon exploration du Disque-Monde avec une relecture de ce troisième tome, le premier du cycle des sorcières que j’aime tant !

Des trois sorcières qui formeront plus tard le coven le plus célèbre du Disque-Monde, on ne rencontre ici que Mémé Ciredutemps, attachante acariâtre, qui pose sur le monde une vision très personnelle. Dans cet univers, elle représente la sorcellerie, ce pouvoir qui repose avant tout sur une bonne dose d’un sens pratique à toute épreuve, y compris parfois celle de la logique elle-même. À cette sorcellerie s’oppose la magie, science occulte et complexe qui s’étudie avec une longue barbe, un chapeau pointu et un certain attachement pour les rituels impressionnants et la tradition administrative. Sur le Disque-Monde, les sorcières sont des femmes, et les mages sont des hommes. Et c’est bien sûr l’occasion ici de questionner le rapport à l’égalité femmes-hommes, et aux conceptions genrées de certaines professions.

J’ai beaucoup aimé la manière dont Pratchett aborde cette thématique : lorsque la jeune Eskarina hérite d’un pouvoir de mage, ce sont non seulement ces mages qui tentent de la remettre dans une « place de femme », mais aussi Mémé Ciredutemps elle-même, qui dans un premier temps considère elle aussi qu’il s’agit là d’une frontière à ne pas franchir. À cela, Pratchett pose un point final : les choses sont comme elles sont, il ne reste plus qu’à s’y adapter au mieux.

Au-delà de cette thématique forte, j’ai une fois de plus apprécié de simplement replonger dans cet univers ! On explore le Disque-Monde au travers d’une autre perspective que lors des deux premiers tomes : on accompagne ici une jeune fille qui ne connaît que les montagnes du Bélier, et une sorcière qui sait très bien pourquoi elle préfère ne pas en sortir. Entre narration burlesque et péripéties toujours plus loufoques, j’y passe à chaque fois un excellent moment, et cette relecture a été un véritable bonheur !

Si jamais vous souhaitez découvrir les Annales du Disque-Monde, vous pouvez commencer par celui-ci : un peu meilleur que les deux premiers tomes, il fait une excellente entrée en matière aussi bien pour le cycle des sorcières que pour l’univers entier. Si vous connaissez déjà le Disque-Monde, je suis curieuse : quel est votre cycle préféré ?

Si vous ne savez pas par où commencer pour découvrir cet univers, découvrez le petit guide d’exploration du Disque-Monde à l’usage de l’aventurier intimidé que je vous ai concocté.
Pour retrouver mes autres chroniques des Annales du Disque-Monde, c’est par ici !