Blackwater, suite et fin d’une dynastie

Si le clan Caskey accuse le poids des ans, il est loin de s’être assagi : révélations écrasantes, unions insolites et réceptions fastueuses rythment leur vie dans une insouciance bienheureuse. Mais quelque chose surplombe Perdido, ses habitants et ses rivières. Le temps des prophéties est enfin venu.
~ Blackwater, tome 6 : Pluie, de Michael McDowell – Monsieur Toussaint Louverture
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Je vous parlais juste ici de ma lecture des premiers tomes, qui marquaient le début d’une courte saga-feuilleton que j’ai adoré suivre tout au long de sa parution. J’ai maintenant terminé le sixième et dernier tome, il est donc grand temps de faire le point…

En tant qu’expérience de lecture, j’ai adoré suivre chacun des tomes. L’ensemble fait un bel écho au genre du roman-feuilleton, dont on suivait autrefois assidûment les épisodes publiés dans les journaux : chaque tome de Blackwater est court, chaque chapitre relate une nouvelle péripétie, le style est fluide et direct, et l’ensemble est follement addictif ! Sans compter que la petite touche d’imaginaire frissonnant rajoutée par l’auteur rend l’ensemble d’autant plus intrigant…

Pourtant, cet élément fantastique n’est pas du tout central à l’histoire. Au contraire, j’ai eu le sentiment qu’il servait de toile de fond aux querelles et inimitiés, que cette part de mystère alimente. Blackwater, c’est avant tout une histoire de famille, une histoire de ces rôles tacites que chacun s’attribue, de ces relations conflictuelles et problématiques qui se développent sous le prétexte des liens de sang. Le récit s’étale sur de très nombreuses années, et j’ai observé avec fascination l’évolution de la famille Caskey, son enrichissement extérieur, son effondrement intérieur…

Si j’ai adoré chacun des tomes, le final me laisse cependant sur un sentiment un peu plus mitigé. J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur fait très lentement monter le mystère et la tension au fil des tomes, l’effroi allant grandissant autour du personnage d’Elinor. Alors que les Caskey connaissent une croissance toujours plus rapide, je m’attendais à une chute particulièrement brutale… ce qui n’a pas vraiment été le cas. Cette fin est pourtant très marquante, et conclut en beauté (et avec émotion) ces quelques décennies ; je m’étais probablement trop attachée au côté fantastique de l’histoire, et m’attendais peut-être trop à une fin typique du genre…

Quoi qu’il en soit, je garderai un fort souvenir de cette lecture : des personnages envoûtants, une intrigue toute en retournements de situation, une expérience de lecture mémorable… Je pense que l’engouement partagé par tant de lecteurs aura participé à en faire pour moi une lecture toute particulière. Même si vous n’attrapez le coche que maintenant, je vous conseille chaudement de partir à la rencontre de la famille Caskey !

Retrouver d’autres tomes chroniqués :
Tomes 3 à 6, le grand final

Blackwater 1 & 2 : mystère en eaux troubles

Alors que les flots sombres et menaçants de la rivière submergent Perdido, une petite ville du sud de l’Alabama, les Caskey, une riche famille de propriétaires, doivent faire face aux innombrables dégâts provoqués par la crue. Mené par Mary-Love, la puissante matriarcale, et par Oscar, son fils dévoué, le clan s’apprête à se relever. Maus c’est compter sans l’apparition, aussi soudaine que mystérieuse, d’Elinor Dammert, jeune femme séduisante au passé trouble, dont le seul dessein semble être de s’immiscer au cœur de la famille Caskey.

Tandis que la ville se remet à peine d’une crue dévastatrice, le chantier d’une digue censée la protéger charrie son lot d’imprévus : main-d’oeuvre incontrôlable, courants capricieux, disparitions inquiétantes… Pendant ce temps dans le clan Caskey, Mary-Love, la matriarcale, voit ses machinations se heurter à celles d’Elinor, son étrange belle-fille, mais la lutte ne fait que commencer. Manigances, alliances contre-nature, sacrifices, tout est permis. À Perdido, les mutations seront profondes, et les conséquences, irréversibles.

~ Blackwater tome 1 : La crue & tome 2 : La digue, de Michael McDowell – Monsieur Toussaint Louverture
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Si vous avez gardé un œil sur les sorties du moment ou fait un tour sur les réseaux sociaux, vous avez certainement vu passer ces petits livres qui font tant parler d’eux : la série Blackwater ! Publiée tome par tome toutes les deux semaines comme le feuilleton qu’elle était à l’origine, j’ai l’impression que c’est LA parution du moment, et pour une fois je n’ai pas raté le coche de cette lecture commune à grande échelle !

Ce qui surprend dès le début, c’est le mélange incongru qu’elle propose : une saga familiale au rythme lent et à l’ambiance presque somnolente, tout juste perturbée par les remous des inimités allant et venant entre les personnages… où apparaît soudain un fantastique presque horrifique, aussi ténu qu’omniprésent. Ces éléments sont en effet toujours là, quelque part en arrière-plan, et j’ai beaucoup aimé la manière dont l’intrigue tourne autour en permanence, tout en ne l’approchant jamais vraiment. Au fur et à mesure de la lecture, l’envie de réponse grandit, tout comme la certitude frustrante que l’auteur ne nous dévoilera rien avant le dernier moment…

Chaque roman est court et se dévore. L’écriture est fluide ; peut-être un peu distanciée, objective, mais elle correspond vraiment à l’idée que je me fais du style de narration d’un vieux roman-feuilleton américain, et j’ai trouvé qu’il participait même à me plonger dans l’atmosphère ! Les petites intrigues s’emmêlent et se démêlent au fil des pages, et on les engloutit avidement pour découvrir si, oui ou non, l’auteur va enfin daigner nous donner un infime indice sur le mystère qui plane au-dessus de Perdido !

Comme beaucoup, je me suis laissée prendre au jeu des histoires familiales, et les secrets des uns et des autres m’intriguent maintenant tout autant que celui, bien plus étrange, d’Elinor… Autant dire que je vais dévorer la suite comme j’ai dévoré ces deux premiers tomes !

Et vous, vous suivez la parution des Blackwater ? La série vous intrigue-t-elle ?

Les Sorcières de Pendle : « être une femme est le plus grand risque qui soit »

Lancashire, Pendle, 1612. À 17 ans, Fleetwood Shuttleworth est enceinte pour la quatrième fois. Mais après trois fausses couches, la maîtresse du domaine de Gawthorpe Hall n’a toujours pas donné d’héritier à son mari. Lorsqu’elle croise le chemin d’Alice Gray, une jeune sage-femme qui connaît parfaitement les plantes médicinales, Fleetwood voit en elle son dernier espoir. Mais quand s’ouvre un immense procès pour sorcellerie à Pendle, tous les regards se tournent vers Alice, accusée comme tant d’autres femmes érudites, solitaires ou gênantes.
Alors que le ventre de Fleetwood continue de s’arrondir, la jeune fille n’a plus qu’une obsession pour sauver sa vie et celle de son bébé : innocenter Alice. Le temps presse et trois vies sont en jeu. Etre une femme est le plus grand risque qui soit.
~ Les Sorcières de Pendle, de Stacey Halls – Éditions Pocket
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Quoi de mieux que cette saison d’automne où la nature est en feu pour se plonger dans le récit poignant d’un destin de sorcière ?

Avec ce roman, j’ai passé une excellente lecture. Happée dès les premières pages, j’ai été emportée avec Fleetwood dans le Lancashire du XVIIe siècle. Au milieu de cette bourgeoisie rurale qui l’entoure, tout est éloigné de tout, les faux-semblants sont nombreux et les amis rares. Si bien que lorsque Fleetwood rencontre Alice, elle trouve quelqu’un qui peut la sauver non seulement de sa grossesse compliquée mais aussi de sa solitude écrasante.

J’ai beaucoup aimé ce duo de personnages. Même si elle évolue, leur relation se fait toujours en nuance, en ambigüité. Les contours oscillent, se renforcent ou s’étirent, mais les deux femmes restent toujours attachées l’une à l’autre, autant par affection que par besoin. Du côté des personnages masculins, j’ai aimé les voir assez variés, pour soutenir des points de vue différents (dans la limite de l’historiquement réaliste) face à Fleetwood et Alice. La misogynie est présente, insidieuse, mais là où certains personnages ne font que répéter ce qu’on leur a toujours assené, d’autres en jouent avec une cruauté horripilante.

Pour ce qui est des événements, je m’attendais à plus de rebondissements, mais le récit est en fait plutôt tourné vers le sentiment d’impuissance, de solitude et d’enfermement que ressent Fleetwood. Et c’est, je pense, le propos du roman : faire ressentir à quel point le simple fait d’être femme peut représenter tant de portes verrouillées, sans parler de l’envie d’être libre et indépendante…

Les Sorcières de Pendle est un récit profondément touchant, d’autant plus lorsqu’on sait qu’il est basé sur des faits réels et un procès ayant réellement condamné neuf femmes et un homme à la pendaison. C’est également une poignante histoire de femmes, que je vous conseille chaudement !