Étourdissante exploration de la Maison des Feuilles

En rentrant chez eux un soir, les Navidson – Will, Karen et leurs deux enfants qui viennent à peine d’emménager en Virginie – découvrent qu’une nouvelle pièce a surgi dans leur maison… comme si elle avait toujours été là. Simple inattention ? Canular élaboré ? Mètres, plans et appareils de mesure sont réquisitionnés, et soudain l’explication la plus étrange devient la plus évidente : le foyer des Navidson est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Très vite, d’autres changements surviennent ; un mur se décale, une nouvelle porte apparaît dans le salon et derrière elle un couloir étroit et obscur. Photoreporter de renom et aventurier intrépide, Will s’y risque un soir mais, manquant de se perdre dans ce qui s’avère être un dédale immense, décide de mettre sur pied une équipe d’explorateurs chevronnés, afin d’étudier ce passage qui paraît sans fin et qui, très vite, se révèle l’être pour de bon.
~ La Maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski – Monsieur Toussaint Louverture
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Comment parler de ce livre ? S’il en est un que l’on peut largement qualifier d’O.L.N.I. (Objet Littéraire Non Identifié), c’est bien celui-ci ; et rien qu’un coup d’œil entre ses pages suffit à en convaincre. Je dois reconnaître qu’il m’intriguait autant qu’il m’impressionnait, mais je suis ravie de m’être lancée et d’avoir vécu cette expérience de lecture à nulle autre pareille.

Ce roman raconte un labyrinthe, et il en est un lui-même. Autour du récit des événements centraux viennent s’encadrer deux couches de récits, l’un très analytique, l’autre plus narratif. L’un comme l’autre sont déconcertants, dans leur côté à la fois fascinant et profondément lourd à lire. L’analyse, proposée par Zampano, porte sur le film des Navidson dans lequel ils explorent leur maison, auquel il apporte une analyse universitaire parfois très poussée, et sur des sujets scientifiques très variés : la physique du son, l’architecture, le cinéma… Le style est donc assez fastidieux, mais apporte parfois des réflexions que j’ai trouvées passionnantes. Le second récit, quant à lui, est celui de Johnny qui découvre les notes de Zampano. J’ai eu beaucoup moins de sympathie pour ce personnage et ses errances (ceux qui l’ont lu auront le jeu de mots), principalement centrées autour des considérations malsaines qu’il a pour chacune des femmes qu’il croise…

Le récit des Navidson est, curieusement, aussi central qu’accessoire. C’est lui qui motive chacune des couches de ce récit, et ça n’est pourtant pas celui qui occupe la plupart des pages… Cette partie de l’intrigue avance donc lentement, et prend le temps de nous plonger dans une ambiance sombre et pesante, parfois presque horrifique, où les notes de Zampano et de Johnny agissent en voix-off tandis que les scènes s’étirent autour de nous. Ce récit nous entraîne toujours plus loin dans les noirceurs inexpliquées de la maison, tandis que la mise en page du livre s’adapte, s’intensifie, ou nous laisse face au vide, à l’écho de quelques mots laissés en suspens…

Attention : ça n’est pas un roman à intrigue, mais entièrement un roman à ambiance, par laquelle il faut accepter de se laisser porter. Dans la maison, le rythme est bancal, tantôt effréné, tantôt hors de toute temporalité – un effet qui est d’ailleurs accentué par les différents récits encadrés. La mise en page est l’une des plus extravagantes que j’ai pu lire : même en tant que lecteur, il faut chercher son chemin… La fin m’a beaucoup plu, bien qu’elle soit elle aussi assez déconcertante ; quelque part, j’ai trouvé que c’était un beau pied de nez à toutes ces histoires vues et revues de phénomènes fantastiques qui trouvent leur résolution après une enquête haletante…

Ce fut donc une expérience de lecture extraordinaire, mais que je ne peux malheureusement pas recommander à tout le monde. Par contre, si vous êtes à la recherche d’un récit profondément original par lequel vous laisser porter, n’hésitez pas une seconde de plus : entrez dans la Maison des feuilles…

Roche-Nuée embrumée et lectrice déconcertée

Sur Roche-Nuée, atoll de corail blanc qui, depuis que la mer s’est retirée, se dresse comme un énorme champignon au milieu d’un désert de sel, les êtres comme moi n’ont pas droit à l’existence. Je suis un nain de sexe indéterminé, un indésiré, et ce n’est que par un caprice de mon frère aîné que je n’ai pas été jeté à ma naissance du haut de la falaise. Pour moi, vivre, c’est me faire oublier; c’est demeurer une Ombre. Que j’attire l’attention d’autrui par une parole ou un regard, et c’est la chute mortelle dans le vide. Mais je comprends le langage de l’eau, du vent, du feu et de la roche. Et lorsque la transgression des tabous qui nous gouvernent déclenchera la colère des éléments, c’est de l’Ombre méprisée à quoi me réduit ma nature que surgira peut-être la lumière.
~ Roche-Nuée, de Garry Kilworth – Éditions Scylla
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Ce livre a été reçu et est chroniqué dans le cadre d’une masse critique Babelio : merci à la maison d’édition pour sa confiance !

Je suis souvent adepte de ces récits aux frontières des genres, qui jouent avec les certitudes pour nous emmener plus loin, au-delà des codes de l’imaginaire, dans des récits encore inexplorés. Roche-Nuée fait complètement partie de ces romans « OLNIs », mais si je l’ai trouvé extraordinaire en soi, il n’aura malheureusement pas su m’emporter émotionnellement…

C’est un texte qui nous envoie dans un univers complètement déroutant, dont les contours sont tracés petit à petit, au fil du récit. On découvre alors une société tribale aux règles déroutantes, un personnage qui n’existe pas, un monde étriqué qui pourrait tout autant être primitif et post-apocalyptique : tout est fait pour déconcerter, secouer, et mettre en place un récit qui questionnera de nombreuses thématiques.

L’auteur aborde effectivement énormément de sujets au travers du témoignage d’Ombre, ce personnage à la fois observateur externe et central aux événements. Alors qu’il avance lentement, inexorablement le long de son existence, il évoque d’abord le handicap et la différence, puis la moralité et la tradition, les frontières et l’inconnu, l’écologie… Il pose ces questionnements sous des angles que j’ai trouvés plutôt novateurs, et qui m’ont sans cesse poussée à prendre le temps d’y réfléchir moi-même. Tout au long du récit, le fil rouge semble être enroulé autour du changement, cette lente évolution que personne ne voit vraiment mais qui entraînent soudain les choses dans une direction complètement inattendue ; j’ai d’ailleurs aimé observer l’auteur transformer peu à peu chacun des aspects de son univers pour y confronter ses personnages.

Je regrette néanmoins un manque d’attachement à ma lecture. Côté narration, j’ai eu le sentiment de suivre un récit qui ne suggère pas vraiment de finalité, sans pour autant présenter cet aspect contemplatif que j’aime beaucoup. Les événements passent, simplement, l’un après l’autre. Je n’ai pas non plus été emportée par les personnages, dont j’ai suivi l’évolution de manière assez détachée. J’ai pourtant apprécié la fin : je ne l’ai pas vraiment vue venir, et pourtant, au vu de la lente évolution qui traverse tout le roman, il n’aurait pas pu en être autrement.

Ce fut donc une expérience de lecture mitigée pour moi : je suis restée assez en-dehors des événements, je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages… Néanmoins, je reconnais qu’il s’agit réellement d’un récit passionnant et assez poétique, que je vous conseille chaleureusement si vous êtes à la recherche de quelque chose qui vous emmènera ailleurs. Et si jamais vous tentez l’expérience, je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez !

Grandiose voyage dans l’imaginaire : par-delà les confins avec L’âme du chien

Croire les prophéties.
Celui qui étreint l’âme du désert, qui chevauche et détruit les mondes, n’a que peu de pitié pour ses ennemis et son peuple.
Du haut de Salabanka, la ville dorée, il s’enorgueillit du Destin que l’oracle lui a confié. Alors, quand la sibylle lui ordonne de trouver un bras droit, il s’exécute. Il lui faut un guerrier à l’âme de chien prêt à tout pour accomplir l’avenir glorieux de son maître.
~ L’âme du chien, d’Antoine Ducharme – Mnémos (Mu)
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Un premier roman qui « bouleverse les codes de la fantasy », publié dans un label qui explore les « ruptures dans le réel » ? Je dis oui, cent fois oui. Et je remercie chaleureusement les éditions Mnémos qui m’ont permis de découvrir ce court mais sublime roman.

L’âme du Chien, c’est deux personnages. Humains, ou plus vraiment. Colère et bestialité, violence, soif de combat et de sang. Leur histoire est liée par un destin commun, qui se réalisera aux frontières de ce monde que l’on distingue, trouble, éthéré, au travers de leur insaisissable relation. Épiques, ancestraux, les éléments se dévoilent un à un, mais toujours flotte cette part de mystère et d’inconnu ; et au centre, une certitude : le cavalier aux poings de colère et le guerrier à l’âme de chien.

L’âme du Chien, c’est des mots. Un style grandiose, sublime, vaporeux, où chaque mot est choisi avec soin, chaque phrase est ciselée avec art ; pour que chaque mot, chaque phrase ne contienne plus seulement un banal morceau de narration, mais une part de l’infini même de cet univers, de l’immensité de ces destinées, et peut-être d’encore autre chose. Si ce style peut être déconcertant, c’est en réalité un tableau magnifique que peint l’auteur : deux personnages pris dans la tempête des mots, des oracles et des prophéties, et la question qui les tourmente sans cesse : combattre ou abandonner ?

L’âme du Chien, c’est une expérience, une œuvre unique parmi les littératures de l’imaginaire, que chacun vivra à sa manière. Un voyage entre l’épique et l’intime, au plus près de la légende et de la prophétie, au cœur de l’humain et de ses incertitudes. La couverture rend parfaitement ces sensations particulières que je retiens de ma lecture : une bourrasque de mots, un personnage pris dans la tourmente, un récit sans cesse mouvant qui balaie tout sur son passage, et ne laisse au lecteur que des certitudes vacillantes, et de vastes questionnements. L’inéluctable l’est-il vraiment ? Un destin vaut-il vraiment le coup ? Une fois le prix payé, que retiendra-t-on ?

Je ne sais pas si j’ai réussi à rendre justice à cette pépite, mais j’espère vraiment avoir attisé votre curiosité : ce court roman ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais si vous êtes à la recherche d’une lecture hors du commun sur les sentiers de l’imaginaire, n’hésitez pas une seconde de plus, foncez.

Voyage unique dans le Désert des couleurs

Dans le désert des couleurs, chaque grain de sable est un souvenir perdu et oublié. Marcher dans les dunes, c’est voir sa mémoire s’effacer. Alors pour se protéger, l’humanité s’est réfugiée dans le cratère d’un volcan. Mais depuis quelques temps, le sable monte chaque jour le long de ses pentes. Malgré les risques, une fille qui perd ses souvenirs, un garçon porteur de mémoire et un oiseau télépathe partent explorer le désert multicolore afin de trouver une solution pour lutter contre la crue. En chemin, ils se perdront. À la fin, ils se retrouveront.
~ Le Désert des couleurs, d’Aurélie Wellenstein – Scrineo
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J’avais envie de découvrir l’autrice depuis un moment, mais j’avais toujours un peu peur de la réputation très sombre de ses écrits. Quand j’ai découvert celui-ci en librairie, il m’a immédiatement interpelée, avec un résumé annonçant quelque chose de beaucoup plus lumineux…

J’attendais donc beaucoup de ce roman, et je n’ai pas du tout été déçue. L’écriture est belle, et crée avec un mélange de simplicité et de poésie un univers tangible, aux contours assez flous mais qui se dévoilent au fil du récit. Loin d’être frustrée par la concision de la mise en contexte, j’ai au contraire adoré la place que ces étendues de sable infinies laissent aux personnages pour se développer, et les innombrables passés que l’on peut imaginer derrière chaque grain de sable.

J’ai été conquise également par les personnages qu’elle a construits : ce duo d’explorateurs dont la mission pourra peut-être sauver le peuple entier, cet humaine et ce « demi-dieu » à la nature si particulière, ce frère et cette sœur à la relation complexe… Ils ont l’infini du désert pour eux seuls, mais ce roman est presque un huis clos au cœur de leur relation, sans cesse en évolution. Au fil des souvenirs, on assiste aux conflits et aux réconciliations, aux révélations, et quelque part presque en arrière plan, à l’avancement de leur quête.

L’autrice aborde dans ce roman un certain nombre de thématiques assez fortes, du traumatisme à la mémoire, des erreurs de l’humanité à la cause animale. Pourtant, j’ai trouvé qu’elle tentait de leur apporter une forme d’apaisement. Malgré certaines scènes très fortes, particulièrement poignantes, j’ai aimé la manière dont elle est parvenue à faire apparaître cet éclat de lumière coloré au milieu de l’obscurité…

Ce fut donc une première expérience particulièrement réussie avec Aurélie Wellenstein, une expérience unique, toute en nuance et en poésie, et j’essaierai de me procurer ses autres romans. D’ailleurs, lequel me conseillez-vous ? Est-ce que vous avez aimé celui-ci ?

Un long, très long voyage : un voyage manqué…

Issu d’une famille de pêcheurs, Liesse doit quitter son village natal à la mort de son père. Fruste mais malin, il parvient à faire son chemin dans le comptoir commercial où il a été placé. Au point d’être pris comme secrétaire par Malvine Zélina de Félarasie, ambassadrice impériale dans l’Archipel, aristocrate promise aux plus grandes destinées politiques. Dans le sillage de la jeune femme, Liesse va s’embarquer pour un grand voyage loin de ses îles et devenir, au fil des ans, le témoin privilégié de la fin d’un Empire.
~ Un long voyage, de Claire Duvivier – Aux Forges de Vulcain (Audiolib pour la version audio)
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Ce livre a été reçu et est chroniqué dans le cadre d’un service presse : merci à NetGalley et à la maison d’édition pour leur confiance !

Le nom de Claire Duvivier commence à se faire une place sur les étagères de l’imaginaire francophone, et lorsque j’ai eu l’occasion de découvrir son premier roman, au format audio qui plus est, j’en ai bien volontiers profité !

Malheureusement, ce ne fut pas un franc succès pour moi… Il m’a fallu quelques tentatives pour réussir à entrer dans l’histoire auprès du personnage principal, narrateur au « je » qui d’ordinaire me happe très facilement. Une fois lancée, j’ai conservé jusqu’à la fin une représentation assez floue de la politique et de la hiérarchie en place, des éléments pourtant centraux à l’intrigue. Peut-être est-ce là une des raisons de ma petite déception : en fantasy, les contextes et personnages politiques sont de ceux qui me passionnent le moins… Dommage, n’est-ce pas ?

Concernant le narrateur, j’ai eu du mal à m’intéresser à lui. Tout au long de mon écoute, je suis restée assez détachée de ses troubles et questionnements personnels, ne comprenant que peu cette nécessité (dont il se justifie pourtant) de devoir parler de lui pour replacer « la Grande Histoire » dans un quelconque contexte. Je ne l’ai pas trouvé attachant, ni touchant, ni charismatique… complètement inintéressant, en somme. Le vrai personnage principal, Malvine Zélina de Félarasie, n’en était alors que plus lointain, femme forte éclipsée par la vie insipide d’un homme sans grande personnalité. Encore une fois : dommage.

Quant à l’intrigue… Quelque temps après la fin de mon écoute, je ne garde pas la sensation d’un enjeu important, et je serais même bien incapable de vous résumer le propos général du roman. En soi, ça n’est pas un élément qui me dérange, mais dans ce cas-ci il a certainement participé à ma perte d’intérêt. Ce qui m’a vraiment déçue, par contre, ce sont le retournement de situation final, sorti de nulle part, et la dernière partie faisant office d’épilogue, bien trop longue…

Peut-être qu’en découvrant ce texte au format écrit, j’aurais davantage apprécié la plume de l’autrice, et j’aurais peut-être mieux saisi l’intérêt de ce rythme lent. Je comprends la volonté de l’autrice de sortir des clichés de combats épiques, de complots machiavéliques et de secrets mystiques, et je suis moi-même plutôt adepte des récits qui sortent de cette manière des sentiers battus. Mais cette fois-ci, je suis passée à côté… Je suis d’ailleurs rassurée de voir que l’Ours Inculte semble partager mon ressenti ! Et vous, si vous l’avez lu, qu’en avez-vous pensé ? Me conseillez-vous de donner une chance aux autres romans de l’autrice ?

Doux retour à Avonlea, Anne Shirley, et une pincée de magie

À la mort de son père adoptif, Anne renonce à ses études pour se consacrer à l’enseignement. Institutrice à l’école d’Avonlea, elle exerce son métier avec fougue et passion. Mais l’arrivée de deux jumeaux, orphelins eux aussi, va troubler sa sérénité car ils vont lui en faire voir de toutes les couleurs.
~ Anne d’Avonlea, de Lucy Maud Montgomery – Monsieur Toussaint Louverture
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J’avais adoré le premier tome, qui m’avait plongée dans une exceptionnelle bulle de douceur. Mais cette lecture remonte un peu, et mes souvenirs s’en sont légèrement estompés… Pourtant, dès les premières phrases de ce second tome, j’ai été instantanément propulsée de nouveau à Avonlea !

Dès le début, j’étais de retour dans cet univers si bienveillant, sans une seconde d’hésitation pour retrouver mes marques : retourner dans un tome d’Anne, c’est retourner à la maison. J’ai retrouvé avec délice chacun des lieux rêvés par la jeune fille, ses voisins et camarades, et sa si chère Marilla ! Dans ce second tome, de nouveaux personnages viennent enrichir le tableau, dont un qui m’a particulièrement touchée… et un autre qui, à défaut d’avoir su m’attendrir, apporte des éléments intéressants à l’intrigue et au développement d’Anne.

Mais ce que je retiens avant tout de ce tome, et qui est peut-être encore plus présent ici que dans le premier, c’est l’ode magnifique que l’autrice dédie à l’imagination. Alors qu’Anne grandit et acquiert des responsabilités, elle continue de regarder le monde qui l’entoure avec ce brin de rêve et de magie qui lui est si particulier. Elle met un point d’honneur à saupoudrer de poésie et de romantisme chacune de ses journées, et tente de toutes ses forces de transmettre cette passion à ceux qui l’entourent ; et sur moi, ç’a magnifiquement fonctionné… La narration regorge de phrases plus belles les unes que les autres que je n’ai pas pu m’empêcher de noter ; à chaque fois que je retomberai dessus, je retournerai pour quelques instants au moins dans cet univers si doux d’Anne d’Avonlea…

Ce second tome le confirme : lire un tome d’Anne, c’est ouvrir une fenêtre sur un univers chaleureux, que l’on parcourt auprès d’une jeune femme aux tresses rousses et à l’imagination débordante, et dont on ressort le cœur rempli de bienveillance, de poésie, et de l’irrésistible envie de répandre l’une et l’autre aussi loin qu’on le pourra !

Retrouver d’autres tomes chroniqués :
Tome 1 : Anne de Green Gables

Des baleines dans les étoiles et des paillettes dans les yeux…

Alors que le navire spatial du Capitaine Alexandra Levisky frôle les frontières de l’univers, personne ne s’attend à ce que la maladresse d’un membre de l’équipage libère une des légendaires baleines célestes. Seulement, la gigantesque fuyarde se dirige droit vers le cœur historique de la galaxie, au risque de détruire plusieurs mondes sur son passage…
~ Les baleines célestes, d’Élodie Serrano – Plume Blanche
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Du space opera à la couverture particulièrement violette : instinctivement, je ne me serais pas vraiment tournée vers ce roman ! Et pourtant, on me l’a mis dans les main, j’ai fait confiance, et j’ai adoré. Comme quoi des fois, c’est aussi simple que ça.

Je retiens de cette lecture un paisible sentiment de douceur et de légèreté. Certes, les événements ont des conséquences assez tragiques et pourraient le devenir bien plus encore, pourtant ce roman m’a plongée dans une telle bulle de sérénité ! Je me suis sentie lentement portée avec ce vaisseau, flottant dans l’espace au côté de ces êtres gigantesques et placides…

La plume est fluide et les pointes d’humour ont parfaitement fonctionné avec moi ! D’ailleurs, plus qu’un récit de jeunesse à proprement parler, j’ai plutôt trouvé que c’était un récit léger, frais, qui se lit et s’apprécie à tout âge. La panoplie de personnages rencontrés est haute en couleurs, et j’ai aimé la manière dont l’autrice a réussi dans un roman aussi court à instiller autant de cohésion entre ces personnages si hétéroclites !

En somme, j’ai vraiment passé un excellent moment avec cette lecture. Elle est légère, drôle et pleine de douceur : je vous la conseille chaleureusement !

Kra : curieux voyage au pays de l’Ymr

Une corneille seule n’est pas une corneille.
Une corneille ne tue jamais une autre corneille.
Dans un futur proche ravagé par la pollution, un vieil homme nous raconte qu’une Corneille nommée Dar Duchesne – la première de tous les temps à avoir porté un nom – lui a raconté ses nombreuses vies et morts au pays de Kra…
~ Kra : Dar Duchesne dans les ruines de l’Ymr, de John Crowley – L’Atalante
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Est-ce que j’aurai réellement les mots pour décrire l’expérience que fut cette lecture ? Je n’en suis pas certaine. J’espère avoir au moins les mots pour vous convaincre de lui donner une chance, vous aussi…

Le résumé en dit peu, et c’est effectivement, concrètement, tout ce qu’il y a à en dire : un corbeau raconte ses nombreuses vies, alors que l’humanité se déroule devant ses yeux… Non pas des yeux de personnage, de narrateur, mais bien des yeux de corbeau : la plupart du temps, il ne comprend pas vraiment les humains et leurs sociétés, leurs croyances, leurs concepts. Il n’est qu’un corbeau, pragmatique, curieux, et très, très âgé.

Par cette approche profondément déconcertante, tel une bourrasque de plumes et de cris, le récit aborde tant de choses ! On y parle de la vie, de la mort, de la religion et de la spiritualité, de l’évolution, du monde réel et de l’au-delà, d’un monde peut-être entre les deux. On y parle de voyage, d’identité, de famille, d’amitié et d’amour, de relations jamais vraiment définies. On y parle des humains, des corbeaux, d’autres animaux, des sociétés, des communautés. On y parle du temps, aussi, un peu, et de bien d’autres choses encore…

C’est un récit dont on suit le fil sans jamais vraiment savoir où il nous mène, mais sans pour autant pouvoir le lâcher. Par des mondes réels et imaginaires, présents et passés, il m’a emportée, fascinée, presque hypnotisée. Au travers des yeux de Dar Duchesne, le monde paraît si vaste et si étrange, et pourtant d’une simplicité singulière ! Pour finir, le roman se termine presque comme un soupir : celui qui relâche la lente tornade des nombreuses vies de Dar Duchesne, le poids de tant de choses vécues, celui qui ramène, tout doucement et un peu à contrecœur, à la vie réelle…

Si ce roman vous interpelle, n’hésitez pas, donnez-lui une chance. Lisez-le, laissez-le vous emporter et vous bouleverser. Et qui sait, peut-être vous mettrez-vous, vous aussi, à chercher le long des routes et dans les champs ce vieux corbeau à la joue blanche…

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Inspirations vagabondes

De pierre et d’os, un voyage aux confins du monde

Dans ce monde des confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d’une quête qui, au-delà des vastitudes de l’espace arctique, va lui révéler son monde intérieur.
~ De pierre et d’os, de Bérengère Cournut – Le Tripode
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Quand j’ai rencontré ce livre en librairie, je n’en avais jamais entendu parler. Mais le titre, la couverture, le résumé m’ont interpelée, et le livre est rentré à la maison avec moi…

C’est un roman court donc il a été lu assez rapidement, mais j’avoue que je ne saurais pas vraiment dire s’il m’a happée ou non. Si j’ai beaucoup aimé certains éléments, il a semblé manquer quelque chose pour que je sois complètement emportée par ce récit…

Tout d’abord, c’est le style qui marque : très factuel, très « froid », il énonce les choses comme elles sont et ne cherche pas à enjoliver ni à broder autour. Il plonge dans une atmosphère très particulière, bel écho des grandes étendues blanches du Grand Nord où le moindre son brise le silence, le moindre mouvement fait revenir la vie dans un paysage immobile. Paradoxalement, il permet assez facilement d’entrer dans l’intimité du personnage que l’on suit : on se prend d’affection pour cette jeune femme honnête et franche, que les événements n’épargnent pas mais qui sait toujours faire face.

Par moments, le récit se fait plus lyrique, alors que le spirituel prend le pas sur le quotidien. Les deux sont toujours intimement liés l’un et l’autre, et cette narration si particulière brouille les frontières entre le monde réel et celui des esprits. J’ai été touchée par cette vision du monde, où la nature est reine et où brille toujours une petite lueur de magie…

Au final, je ne saurais pas dire ce qui n’a pas fonctionné, mais au-delà de cette lecture objectivement agréable, je n’ai malheureusement pas été transportée… Peut-être ce récit manquait-il trop d’émotions ? Peut-être m’attendais-je à quelque chose de différent ? Je regrette d’être passée un peu à côté de cette lecture : je l’ai pourtant en partie appréciée, et je reconnais volontiers que c’est un très beau texte !

Elle et son chat : tant d’amour dans une petite boule de poils

Chobi savoure sa vie de chat auprès de la maîtresse qui l’a recueilli, une jeune femme connaissant à la fois les avantages de l’indépendance et les affres de la solitude. Les yeux du félin assistent à ce quotidien qui s’écoule lentement, oscillant entre moments chaleureux et moments teintés d’amertume, entre jours de soleil et jours de pluie.
~ Elle et son chat, de Makoto Shinkai et Yamaguchi Tsubasa – Éditions Pika
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Qu’il est bon de faire une pause, juste quelques instants, juste pour profiter de la douceur du moment présent… Ce court manga, tome unique, est une vraie bulle d’air qui nous transporte tout en douceur loin, si loin de la froideur du monde !

Ce court récit est raconté au travers des yeux de Chobi, chaton adopté par son humaine un soir de pluie, alors qu’il avait été abandonné dans un carton : la narration est donc très particulière, parce qu’on s’attache très fort à cette jeune fille dès le début, sans vraiment savoir grand chose de sa situation (mis à part le fait qu’elle vivrait une période assez sombre de sa vie). À travers différentes scènes de vie, qui suivent paisiblement le rythme des saisons, on découvre peu à peu le quotidien de la jeune fille et de son chat, leurs habitudes, leurs joies et leurs peines partagées…

Il n’y a pas grand chose de plus que ça, finalement, et pourtant ç’a été suffisant pour me toucher droit au cœur. Ce récit est en réalité la déclaration d’amour d’un chat pour son humaine : il ne la comprend pas toujours, ne sait pas forcément ce qu’elle fait quand elle est dehors, mais elle est le centre de son univers et il l’aime inconditionnellement. Est-ce exagérer que de prêter à nos boules de poils de tels sentiments ? Peut-être, mais ça fait du bien de s’imaginer qu’ils nous aiment autant que nous les aimons !

Côté graphismes, je les ai trouvés agréables, fins et délicats. J’ai entre autres beaucoup aimé la manière dont est représenté Chobi : autant quand il « occupe le décor » (on a tou.te.s connu un chat se camoufler en plante verte) que lorsqu’il se blottit contre son humaine, j’ai trouvé son attitude très bien retranscrite, avec beaucoup de réalisme.

Ce récit existe également sous forme de roman et de court-métrage, et j’aimerais beaucoup découvrir ces autres versions. Quoi qu’il en soit, cette version manga me laissera un très beau souvenir, rempli de douceur et d’amour…