Lorsque le clavier dérape : dans la tête de Terry Pratchett avec Lapsus Clavis

Articles de presse, lettres, discours, souvenirs, réflexions, c’est toute une vie qui se déroule au fil des textes réunis ici. La vie d’un homme et d’un écrivain, de l’écolier de Forty Green au mondialement célèbre auteur des « Annales du Disque-monde », et jusqu’à l’intraitable militant de la mort dans la dignité.
À travers cette vie, vous rencontrerez l’humour, l’intelligence et la sensibilité de celui qui défendait la cause des bibliothécaires et celle des orangs-outans. Avec lui vous vous demanderez : Qu’est-ce que la fantasy ? Qu’est-ce que la bonne fantasy ? Comment en écrire ? Et, au passage : Pourquoi Gandalf ne s’est-il jamais marié ?
Et vous découvrirez comment la colère se fait le moteur d’une œuvre et d’un engagement.
~ Lapsus Clavis, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Vous le savez : j’ai énormément d’admiration pour Terry Pratchett et pour son travail au sein du Disque-Monde. Au-delà de l’univers-doudou que cette saga est pour moi, je la considère comme une véritable référence en littérature fantasy. C’est donc tout naturellement que cet ouvrage m’a d’abord profondément intriguée, puis complètement captivée.

Divisé en trois parties, il présente des textes, extraits d’articles, d’éditos, de discours, et de bien d’autres origines, écrits par Terry Pratchett tout au long de sa carrière d’auteur. La première rassemble ses textes sur, justement, son oeuvre et sa carrière, et plus généralement sa vision de la littérature, de l’écriture, et de la fantasy. J’ai adoré le découvrir fervent militant du droit à l’imagination, et adepte des premières heures des univers de science-fiction et fantasy. Je suis d’ailleurs ravie de partager sa vision très décomplexée du genre !

La seconde partie regroupe des textes plus divers, et c’est là que j’ai appris quelques éléments de sa vie avant et au-delà du Disque-Monde : on retrouve notamment des anecdotes d’enfance, ainsi que de nombreuses références à sa carrière de journaliste et à son passage dans une usine nucléaire. Cet assemblage de détails permet de constituer un certain portrait de l’auteur ; bien sûr, de nombreuses lacunes subsistent (je suis d’ailleurs très curieuse de découvrir sa biographie complète tout juste parue chez L’Atalante également), mais rien ne peut égaler la manière dont l’auteur parle de ses expériences !

La dernière partie est sans conteste la plus difficile, mais je l’ai néanmoins trouvée tout aussi passionnante que le reste : ce sont ses nombreuses et féroces prises de position sur la fin de vie accompagnée. D’autant plus touchante dès lors que l’on connaît le choix qu’a lui-même fait Terry Pratchett, elle permet de rendre compte du réel combat qu’a mené l’auteur sur cette cause, et des nombreuses réflexions qu’elle implique. C’est dans cette troisième partie que l’on se rend réellement compte de ce sur quoi nous prévenait Neil Gaiman dans son introduction : Terry Pratchett n’était au quotidien, finalement, pas aussi enjoué qu’on pourrait le croire…

Tantôt à l’humour sincère et tantôt empreints d’une ironie assez noire, parfois doux et beaux, parfois acerbes et amers envers ses contemporains, j’ai aimé découvrir chacun de ces textes, chacun de ces lapsus clavis. J’y ai découvert des bribes d’un auteur qui continue de me fasciner dans la vie qu’il a menée, autant que dans la manière dont il a façonné l’univers du Disque-Monde.

La huitième fille : magicellerie dans le Bélier

Sentant venir sa mort prochaine, le mage Tambour Billette organise la transmission de ses pouvoirs, de son bourdon, de son fonds de commerce. Nous sommes sur le Disque-Monde (vous y êtes ? Nous y sommes). La succession s’y effectue de huitième fils en huitième fils. Logique. Ainsi opère le mage. Puis il meurt. Or, il apparaît que le huitième fils est cette fois… une fille. Stupeur, désarroi, confusion : jamais on n’a vu pareille incongruité. Trop tard, la transmission s’est accomplie au profit de la petite Eskarina. Elle entame son apprentissage sous la houlette rétive de la sorcière Mémé Ciredutemps…
~ La huitième fille, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Je continue mon exploration du Disque-Monde avec une relecture de ce troisième tome, le premier du cycle des sorcières que j’aime tant !

Des trois sorcières qui formeront plus tard le coven le plus célèbre du Disque-Monde, on ne rencontre ici que Mémé Ciredutemps, attachante acariâtre, qui pose sur le monde une vision très personnelle. Dans cet univers, elle représente la sorcellerie, ce pouvoir qui repose avant tout sur une bonne dose d’un sens pratique à toute épreuve, y compris parfois celle de la logique elle-même. À cette sorcellerie s’oppose la magie, science occulte et complexe qui s’étudie avec une longue barbe, un chapeau pointu et un certain attachement pour les rituels impressionnants et la tradition administrative. Sur le Disque-Monde, les sorcières sont des femmes, et les mages sont des hommes. Et c’est bien sûr l’occasion ici de questionner le rapport à l’égalité femmes-hommes, et aux conceptions genrées de certaines professions.

J’ai beaucoup aimé la manière dont Pratchett aborde cette thématique : lorsque la jeune Eskarina hérite d’un pouvoir de mage, ce sont non seulement ces mages qui tentent de la remettre dans une « place de femme », mais aussi Mémé Ciredutemps elle-même, qui dans un premier temps considère elle aussi qu’il s’agit là d’une frontière à ne pas franchir. À cela, Pratchett pose un point final : les choses sont comme elles sont, il ne reste plus qu’à s’y adapter au mieux.

Au-delà de cette thématique forte, j’ai une fois de plus apprécié de simplement replonger dans cet univers ! On explore le Disque-Monde au travers d’une autre perspective que lors des deux premiers tomes : on accompagne ici une jeune fille qui ne connaît que les montagnes du Bélier, et une sorcière qui sait très bien pourquoi elle préfère ne pas en sortir. Entre narration burlesque et péripéties toujours plus loufoques, j’y passe à chaque fois un excellent moment, et cette relecture a été un véritable bonheur !

Si jamais vous souhaitez découvrir les Annales du Disque-Monde, vous pouvez commencer par celui-ci : un peu meilleur que les deux premiers tomes, il fait une excellente entrée en matière aussi bien pour le cycle des sorcières que pour l’univers entier. Si vous connaissez déjà le Disque-Monde, je suis curieuse : quel est votre cycle préféré ?

Si vous ne savez pas par où commencer pour découvrir cet univers, découvrez le petit guide d’exploration du Disque-Monde à l’usage de l’aventurier intimidé que je vous ai concocté.
Pour retrouver mes autres chroniques des Annales du Disque-Monde, c’est par ici !

Sauver l’Humanité : Johnny n’était pas prêt

Johnny est un jeune garçon moderne passionné de jeux vidéos. Justement, il vient d’en acquérir un nouveau : Le Sauveur de l’humanité ! Ça se passe dans l’espace et il s’agit de détruire un maximum de vaisseaux ennemis. Mais soudain, un message apparaît sur l’écran : « Nous nous rendons ». Johnny a beau chercher, cet épisode n’est pas prévu dans le mode d’emploi. Le voilà au début d’une sacrée aventure…
~ Les aventures de Johnny Maxwell, tome 1 : Le sauveur de l’humanité, c’est toi !, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Avide dévoreuse des romans de Terry Pratchett dans l’univers du Disque-Monde, j’étais vraiment curieuse de découvrir ce dont l’auteur est capable dans un monde beaucoup plus contemporain. Alors j’ai tenté, et je saurai maintenant à quoi m’en tenir…

Sur le papier, tout était pourtant fait pour me plaire : un héros perdu, un bon vieux jeu vidéo, un univers loufoque et la plume si unique de Pratchett… Sauf que je n’ai accroché à rien du tout. Rien. Le gros flop.

Cette lecture m’a donné un énorme sentiment de flou. Plusieurs fois au cours de cette lecture pourtant très courte, j’ai tenté de me souvenir de l’intrigue, des enjeux… Et je n’en ai vu aucun. Pourquoi les personnages du jeu vidéo prennent-ils soudain vie ? D’où viennent-ils, pourquoi en partent-ils ? D’ailleurs, pourquoi Johnny ? J’ai trouvé très peu de réponses, et me suis même forcée un peu pendant ma lecture à chercher des questions, un semblant d’intérêt à l’intrigue…

Au-delà de l’intrigue, je ne me suis pas non plus attachée aux personnages. Johnny est d’une extrême banalité, les extra-terrestres sont bien trop peu exploités, et les rares camarades de Johnny se résument à quelques adjectifs et un surnom qui fait un peu grincer des dents en 2022. Quant au style si marqué de Pratchett, j’étais tellement perdue dans ce flou incompréhensible et inintéressant que je ne l’ai même pas aperçu…

Cette lecture fut donc une belle déception. Je continuerai à savourer les Annales du Disque-Monde (si d’ailleurs l’envie vous prend de vouloir y plonger à votre tour, je vous ai concocté un petit guide juste ici), mais en-dehors de cet univers je saurai malheureusement baisser mes attentes de cet auteur…

Les Annales du Disque-Monde : petit guide d’exploration à l’usage de l’aventurier intimidé

Grande révélation : je suis profondément passionnée par l’univers du Disque-Monde. Je l’ai découvert il y a déjà pas mal d’années avec Trois Sœurcières, dont je suis tombée raide dingue dès les premières pages. Depuis, j’ai acheté toute la série dans la belle collection de la Dentelle du Cygne chez l’Atalante (en version blanche), je me suis dégotté un T-Shirt reprenant l’une des illustrations de couverture, et je n’ai de cesse de chercher le tome idéal à recommander aux lecteur.rice.s autour de moi. Mais je n’ai pas encore tout lu, loin de là : je savoure.

Face à l’immensité de l’univers, il est facile de se sentir un peu découragé.e d’avance, et de ne pas oser sauter le pas. Pourtant, c’est un univers léger et facile d’accès, à l’humour décoiffant et qui vaut largement le détour ! Alors si vous peinez à y voir clair et que vous aimeriez pourtant vous lancer dans le Disque-Monde, cet article est fait pour vous !

Mais d’abord, c’est quoi ?

Le Disque-Monde, c’est un univers de fantasy imaginé par Terry Pratchett. Comme le nom l’indique, les événements se déroulent sur un immense disque, porté sur le dos de quatre éléphants qui se tiennent sur le dos de la Grande A’Tuin, gigantesque tortue cosmique. On y retrouve des sorcières, des vampires et des loups-garous, des rois et des paysans, la Mort, un Chicard, et plein d’autres choses plus ou moins mystérieuses (ou identifiées). Terry Pratchett explore cet univers loufoque dans près de 50 romans, dont la plupart sont rassemblés sous le titre « Les Annales du Disque-Monde ». Encore assez peu connu, c’est pourtant un univers emblématique de la fantasy britannique, à la fois classique de la fantasy et énorme parodie.

Du coup, on commence où ?

Comme je le mentionnais plus tôt, le Disque-Monde rassemble presque une cinquantaine de tomes, et si ce ne sont pas des pavés, ça représente quand même pas mal de lecture. Mais il y a une chose à bien comprendre : il n’y a pas d’unité narrative entre les tomes, et pas vraiment non plus de chronologie. Chaque tome est une histoire indépendante, et ils peuvent être lus dans le désordre.

Commencer par le tout début : ça peut effectivement être une bonne idée pour avoir les bases. Il faut par contre savoir que, pour contredire ce que je disais juste au-dessus, la première histoire est divisée en deux tomes, La Huitième Couleur et Le Huitième Sortilège. Il est aussi à noter que ce sont pas les meilleurs tomes de la saga : s’ils ne vous ont pas convaincu.e, n’hésitez pas à en tenter un autre !

Avancer par cycles : chaque tome est indépendant, mais on retrouve néanmoins certains personnages qui reviennent de manière récurrente. On a ainsi tendance à les rassembler en « cycles », regroupant les tomes qui, de manière chronologique, suivent un seul et même groupe de personnages. Chaque cycle a ses thématiques propres, ce qui peut expliquer que vous n’accrochiez pas avec l’un alors qu’un autre vous happe dès le début. Mon préféré, c’est celui des Sorcières (d’ailleurs, vous avez remarqué le lien avec mon pseudo ? Viendrait-il de là ? Mystère.) Pour avoir un aperçu de ces cycles, on se réfère en général à ce diagramme, et voici une liste rapide des principaux personnages à découvrir :

  • Rincevent et les mages : un mage plutôt pas très doué et les vieux sages décadents de l’Université Invisible
  • Les sorcières : Mémé Ciredutemps et Nounou Ogg, qui ne se laissent pas marcher sur les pieds par l’ordre des choses
  • La Mort : il est masculin, et il lui arrive d’en avoir marre d’être la Mort
  • Le Guet : la police d’Ankh Morpork, qui mène des enquêtes
  • Moite von Lipwig : un gars qui n’a rien demandé à personne, mais qui vit malheureusement à Ankh Morpork

Choisir au hasard (ou presque) : la méthode que je conseillerais presque, c’est d’y aller au feeling ! Chaque tome aborde avec pertinence et humour un ensemble de thématiques très variées, parfois inattendues, mais toujours aussi bien traitées : on va par exemple de l’opéra à l’Australie, en passant par l’apocalypse, les elfes et le football. Entre autres. Pour cette méthode, vous pouvez donc vous laisser aller à un résumé qui vous tente plus que les autres ; vous pouvez aussi aller voir cette page Wikipedia qui reprend, tome par tome, le cycle auquel il appartient et les thématiques abordées, pour vous permettre d’en repérer un qui vous ferait particulièrement de l’œil !

À noter

J’ai remarqué que les romans plus tardifs ont tendance à avoir des intrigues plus tarabiscotées, contrairement aux premiers, plus directs et faciles d’accès. L’univers du Disque-Monde étant un peu particulier, il s’agit donc, à mon humble avis, d’un paramètre à prendre en compte lors du choix d’un premier livre.

De plus, comme j’ai déjà tenté de vous le faire comprendre, ces romans sont tous très différents les uns des autres : si vous n’avez pas accroché avec l’un d’eux, n’hésitez pas à en essayer un autre !

Dernier point : tous les conseils que j’ai donnés dans cet article n’ont, au final, absolument aucune importance. Si vous voulez lire le Disque-Monde, prenez un tome du Disque-Monde et lisez-le sans vous poser plus de questions : c’est aussi simple que ça !

Si jamais vous tentez l’expérience, n’hésitez pas à m’en parler : quel est le premier tome que vous avez découvert ? Votre personnage préféré ? Dites-moi tout !

Retrouver les tomes chroniqués du Disque-Monde :
Trois Sœurcières

Trois Sœurcières : un Pratchett, ça fait toujours plaisir

Le vent, l’orage et les éclairs… Tout cela dans l’horreur d’une profonde nuit. Une de ces nuits, peut-être, où les dieux manipulent les hommes comme des pions sur l’échiquier du destin.
Au cœur des éléments déchaînés luisait un feu, tel la folie dans l’œil d’une fouine. Il éclairait trois silhouettes voûtées. Tandis que bouillonnait le chaudron, une voix effrayante criailla :
« Quand nous revoyons-nous, toutes les trois ? »
Une autre voix, plus naturelle, répondit :
« Ben, moi j’peux mardi prochain. »
Rois, nains, bandits, démons, héritiers du trône, bouffons, trolls, usurpateurs, fantômes, tous sont au rendez-vous. Shakespeare n’en aurait pas rêvé autant. Ou peut-être que si ? Mais l’avantage du roman par rapport au théâtre, c’est que l’on peut s’autoriser beaucoup, beaucoup plus de personnages. Et même le ravitaillement en vol d’un balai de sorcière !
~ Trois Sœurcières, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Ça fait déjà quelques années que je suis tombée dans l’univers de Pratchett, et c’est toujours un bonheur d’en picorer un tome par-ci par-là ! Celui-ci est le tout premier que j’ai lu, celui qui m’a fait tomber amoureuse de l’univers et des personnages de Nounou Ogg et Mémé Ciredutemps… Malgré ça, je gardais assez peu de souvenirs de l’histoire, et quand Guimause a demandé pour son Pumpkin Autumn Challenge de lire un livre qui parle de « sorcière – pièce de théâtre – prophétie – tragédie », vous vous doutez bien que j’ai vu là l’occasion parfaite de m’en faire une petite relecture.

Comme d’habitude avec Pratchett, comme d’habitude avec ses sorcières, ce roman est tout bonnement délicieux. Les sorcières sont géniales, complètement loufoques et bougonnes à souhait, et profondément attachantes. Lorsque l’auteur les met, elles et leur pragmatisme, face à une pièce de théâtre, c’est toute cette magie du théâtre qui est rappelée au lecteur, avec son pouvoir de montrer des mondes entiers sur un simple carré de planches en bois, du carton et quelques bouts de tissu… Bien que je ne connaisse rien au sujet, j’ai d’ailleurs beaucoup aimé les très nombreuses références à l’œuvre de Shakespeare !

Quant au style, je me suis délectée de la narration toujours aussi extravagante, et des petits ressorts scénaristiques toujours aussi inattendus, mais qui sont finalement monnaie courante dans cet univers : je pense par exemple à la résolution finale, dont je ne dévoilerai rien mais qui fera s’étouffer dans leur purée les plus grands professeurs d’écriture…

Si vous ne connaissez pas encore l’univers du Disque-Monde, je pourrais vous faire toute une conférence, entre guide d’approche et propagande, mais je vais me contenter de vous confirmer que ce tome-ci est parfait pour commencer si l’envie vous prend ! Et si jamais vous connaissez déjà, vous avez un tome préféré ? Un personnage favori ?

Si vous ne savez pas par où commencer pour découvrir cet univers, découvrez le petit guide d’exploration du Disque-Monde à l’usage de l’aventurier intimidé que je vous ai concocté !