7e Art, pop-corn et Grands Anciens

Les Annales du Disque-Monde : Les Zinzins d’Olive-Oued,
de Terry Pratchett


Inlassablement – mais encore beaucoup trop lentement à mon goût – je progresse dans ma lecture chronologique des Annales du Disque-Monde. Voici maintenant le premier tome du cycle du Progrès, qui se démarque non pas par un groupe de personnages récurrent (même si une nouvelle tête devrait bientôt faire son apparition), mais par les thématiques qu’il aborde : dans chaque tome, l’arrivée sur le Disque d’une innovation technique ou technologique se trouve confrontée à la logique très particulière de ce monde, et soulève des questionnements passionnants vis-à-vis de nos propres sociétés contemporaines.

J’avais déjà lu ce tome des Zinzins d’Olive-Oued il y a des années, et j’en gardais le souvenir d’une excellente lecture, ce qui fut de nouveau le cas. J’aime particulièrement le mélange des références que propose ici Pratchett, entre histoire du cinéma et classiques du fantastique, où la frénésie qui accompagne l’apparition du 7e art enfle inexorablement, jusqu’à devenir une force presque lovecraftienne, fascinante et effrayante… L’appel du succès, l’envie de gloire, la fièvre des étoiles se font toujours plus pressants, prenant complètement possession des protagonistes ; le grandiose et le monstrueux se mêlent pour ne faire plus qu’un. C’est un processus captivant, d’autant plus lorsqu’on y ajoute ce petit « grain de sel du Disque-Monde », et j’ai adoré y assister !

Par certains aspects, ce tome-ci se rapproche de Trois Sœurcières, car l’auteur s’y amuse beaucoup avec la notion de réalité. Ici, à Olive-Oued, on ne raconte que des histoires, quitte à jouer sur les apparences pour les rendre plus que vraies ; mais qu’en est-il alors de la vraie réalité, celle qui rôde depuis toujours et qui serait prête à tout pour être reconnue ? Et puis, j’ai trouvé que transparaissait ici une vraie tendresse pour cette magie des premiers cinémas, avec ses trucages faits-maison, ces effets spéciaux tout sauf crédibles, mais auxquels on choisit de croire quand même pour que vive le film… Encore une fois, il s’agit d’un tome où Pratchett montre toute la finesse de sa pensée et de sa narration. Il a une vision très pertinente et toute en nuance de nos sociétés, et j’ai beaucoup aimé ce qu’il faisait ici du cinéma et de ce que cet art a apporté au monde.

Si le cycle des Sorcières demeure mon favori, il se peut que celui-ci, où Terry Pratchett semble développer tout son talent d’observation et d’analyse de nos sociétés, ne se place pas très loin derrière… Et vous, avez-vous déjà découvert ce cycle-là ? Qu’en pensez-vous ? Pour ma part, j’ai hâte, très hâte de découvrir les tomes suivants du Progrès !

Lorsque le clavier dérape : dans la tête de Terry Pratchett avec Lapsus Clavis

Articles de presse, lettres, discours, souvenirs, réflexions, c’est toute une vie qui se déroule au fil des textes réunis ici. La vie d’un homme et d’un écrivain, de l’écolier de Forty Green au mondialement célèbre auteur des « Annales du Disque-monde », et jusqu’à l’intraitable militant de la mort dans la dignité.
À travers cette vie, vous rencontrerez l’humour, l’intelligence et la sensibilité de celui qui défendait la cause des bibliothécaires et celle des orangs-outans. Avec lui vous vous demanderez : Qu’est-ce que la fantasy ? Qu’est-ce que la bonne fantasy ? Comment en écrire ? Et, au passage : Pourquoi Gandalf ne s’est-il jamais marié ?
Et vous découvrirez comment la colère se fait le moteur d’une œuvre et d’un engagement.
~ Lapsus Clavis, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Vous le savez : j’ai énormément d’admiration pour Terry Pratchett et pour son travail au sein du Disque-Monde. Au-delà de l’univers-doudou que cette saga est pour moi, je la considère comme une véritable référence en littérature fantasy. C’est donc tout naturellement que cet ouvrage m’a d’abord profondément intriguée, puis complètement captivée.

Divisé en trois parties, il présente des textes, extraits d’articles, d’éditos, de discours, et de bien d’autres origines, écrits par Terry Pratchett tout au long de sa carrière d’auteur. La première rassemble ses textes sur, justement, son oeuvre et sa carrière, et plus généralement sa vision de la littérature, de l’écriture, et de la fantasy. J’ai adoré le découvrir fervent militant du droit à l’imagination, et adepte des premières heures des univers de science-fiction et fantasy. Je suis d’ailleurs ravie de partager sa vision très décomplexée du genre !

La seconde partie regroupe des textes plus divers, et c’est là que j’ai appris quelques éléments de sa vie avant et au-delà du Disque-Monde : on retrouve notamment des anecdotes d’enfance, ainsi que de nombreuses références à sa carrière de journaliste et à son passage dans une usine nucléaire. Cet assemblage de détails permet de constituer un certain portrait de l’auteur ; bien sûr, de nombreuses lacunes subsistent (je suis d’ailleurs très curieuse de découvrir sa biographie complète tout juste parue chez L’Atalante également), mais rien ne peut égaler la manière dont l’auteur parle de ses expériences !

La dernière partie est sans conteste la plus difficile, mais je l’ai néanmoins trouvée tout aussi passionnante que le reste : ce sont ses nombreuses et féroces prises de position sur la fin de vie accompagnée. D’autant plus touchante dès lors que l’on connaît le choix qu’a lui-même fait Terry Pratchett, elle permet de rendre compte du réel combat qu’a mené l’auteur sur cette cause, et des nombreuses réflexions qu’elle implique. C’est dans cette troisième partie que l’on se rend réellement compte de ce sur quoi nous prévenait Neil Gaiman dans son introduction : Terry Pratchett n’était au quotidien, finalement, pas aussi enjoué qu’on pourrait le croire…

Tantôt à l’humour sincère et tantôt empreints d’une ironie assez noire, parfois doux et beaux, parfois acerbes et amers envers ses contemporains, j’ai aimé découvrir chacun de ces textes, chacun de ces lapsus clavis. J’y ai découvert des bribes d’un auteur qui continue de me fasciner dans la vie qu’il a menée, autant que dans la manière dont il a façonné l’univers du Disque-Monde.

Halte au grabuge, le Guet est là !

Une société secrète d’encagoulés complote pour renverser le seigneur Vétérini, Patricien d’Ankh-Morpok, et lui substituer un roi. C’est sans compter avec le guet municipal et son équipe de fins limiers. Enfin une affaire à la mesure du capitaine Vimaire, alcoolique frénétique, et de ses non moins brillants adjoints. Et lorsque l’on retrouve au petit jour dans les rues les corps de citoyens transformés en biscuits calcinés, l’enquête s’oriente résolument vers un dragon de vingt-cinq mètres qui crache le feu ; on aurait quelques questions à lui poser. Peut-être la collaboration du bibliothécaire de l’Université ne serait-elle pas inutile. Certes, à force de manipuler les grimoires de la plus vaste collection de livres magiques du Disque-monde, il a depuis quelque temps été métamorphosé en singe, mais qui a vraiment remarqué la différence ?
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 8 : Au Guet !, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Quel bonheur, après déjà un certain nombre d’années à naviguer les eaux du Disque-Monde (enfin, randonner serait plus exact dans le cas de l’Ankh), de découvrir encore de nouveaux personnages et d’entamer un cycle qui m’est pour l’instant encore inconnu ! Habituellement moins attirée par les intrigues policières, j’avais jusqu’à présent laissé un peu le Guet de côté, et je peux maintenant savourer pleinement cette entière découverte.

Il me semble pourtant avoir déjà croisé certains des membres du Guet dans d’autres tomes, le capitaine Vimaire par exemple, ou encore le fameux Chicard que précède dans tout Ankh-Morpork son odorante réputation. Ce fut néanmoins l’occasion de les suivre de plus près, et d’en découvrir davantage de nuances : le Vimaire désabusé en qui scintille encore une étincelle de foi pour les habitants de la capitale et leur résilience à toute épreuve, le Chicard à priori humain (le doute subsiste) et le sergent Côlon dont le courage fait surface avec éclat le moment venu… Sans oublier Carotte, la dernière recrue, colossal nain aux tendances exemplaires, que je regrette cependant de n’avoir pas vu davantage au long de l’intrigue. Par contre, j’ai été ravie de voir apparaître le Bibliothécaire, qui apporte toujours une belle valeur ajoutée à n’importe quel roman du Disque-Monde !

Côté intrigue, j’ai bien aimé l’aspect policier, finalement peu marqué dans le déroulement de l’enquête et l’investigation menée par les personnages, mais bien présent dans le mystère qui s’épaissit puis s’éclaircit au fil des pages. Je me suis amusée à imaginer l’identité des énigmatiques personnages encapuchonnés (pour au final être complètement surprise par la révélation), dont j’ai d’ailleurs beaucoup aimé chacune des scènes, formant une glorieuse parodie de société secrète aux rites aussi ténébreux qu’absurdes. Cerise sur le gâteau, Pratchett saupoudre l’ensemble de dragons, proposant de la créature légendaire une interprétation prodigieuse comme il sait si bien les faire…

Ce fut donc encore un excellent moment passé entre les pages du Disque-Monde, avec cette fois-ci la satisfaction supplémentaire d’avoir ouvert la porte d’un nouveau cycle. Je ne sais pas dans combien de tomes revient le Guet d’Ankh-Morpork, mais je suis déjà très curieuse de le voir se développer, et de faire plus ample connaissance avec Carotte et ses comparses !

Tourisme (et plus si affinités) au pied des Pyramides

Teppicymon XXVII est mort et il a un peu de mal à se faire à cette idée. Même s’il respecte le professionnalisme des embaumeurs, voir ces sympathiques artisans plongés jusqu’aux coudes dans vos entrailles a quelque chose qui vous remue les tripes. Son fils va lui succéder et lui aussi a quelque difficulté à s’adapter à la nouvelle situation. Pas facile d’hériter du trône quand on est encore un ado et qu’on vient d’achever ses études à la Guilde des assassins…
Vous voilà soudain responsable du lever du soleil comme de l’abondance des récoltes. Et les ennuis vous guettent : vaches grasses, vaches maigres, sphinx, prêtres fanatiques, crocodile sacrés et momies vagabondes. Sans compter que la Grande Pyramide a précipité le royaume dans une faille spatiotemporelle.
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 7 : Pyramides, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Premier tome plutôt « hors-cycle » dans ma redécouverte des Annales du Disque-Monde dans leur ordre chronologique de parution, ce fut une bonne lecture dans l’ensemble mais pour l’instant, malheureusement, l’un de ceux qui m’aura peut-être le moins marquée.

J’en retiens, au final, la même chose que pour le cycle de Rincevent : avant tout du pur divertissement, un humour qui fonctionne toujours, mais sans ce petit truc en plus qui rend l’écriture de Pratchett passionnante. L’auteur joue énormément avec le poids des traditions, de ces règles établies des millénaires auparavant et de ces mythes élaborés il y a plus longtemps encore et dont on a complètement oublié la signification (mais que l’on continue d’exploiter pour le pouvoir qu’ils apportent…). Il en profite également pour faire un beau pied de nez aux préjugés bien ancrés de la carte postale égyptienne antique : pyramides à perte de vue et sphinx énigmatique, servantes en petite tenue qui agitent des feuilles de palmier et dromadaires flegmatiques… Pourtant, j’ai presque trouvé que ces petites piques parodiques manquent de liant, parsemées comme elles le sont sur cet enchaînement de scènes plus rocambolesques les unes que les autres auquel on assiste. Ou peut-être n’étais-je tout simplement pas suffisamment réceptive à ce moment-là ?

Même si ce tome ne restera clairement pas parmi mes préférés, je retiens néanmoins un personnage principal vraiment agréable à suivre : Teppic, à mi-chemin entre l’apprenti assassin et l’héritier pharaonique, qui fonctionne très bien. Ce personnage et ses aventures sont d’ailleurs l’occasion pour l’auteur de nous plonger davantage au cœur d’Ankh-Morpork, une ville que j’aime beaucoup, mais également de nous faire voyager dans une région encore inconnue, inspirée de l’Égypte antique : le Jolhimôme. En sortant des cycles entamés jusqu’alors, Pratchett étend encore davantage son univers, qui prend vraiment de l’ampleur et de la densité au fil des tomes !

Ce fut donc une lecture plaisante malgré quelques défauts (qui n’en sont finalement que par comparaison avec les autres tomes), et j’ai hâte de passer au suivant, surtout qu’il s’agit d’un cycle que je ne connais pas encore et que je suis extrêmement curieuse de découvrir : le cycle du Guet d’Ankh-Morpork !

6 bonnes raisons de découvrir de Disque-Monde sans tarder

Puisque cela fait bien trop longtemps que je ne vous ai pas parlé de Terry Pratchett et de son œuvre phénoménale du Disque-Monde, je reprends tranquillement ma petite propagande aujourd’hui, avec quelques bonnes raisons de vous plonger sans attendre dans ce sensationnel univers ! Si jamais vous êtes déjà aussi adepte que moi (voire encore plus), n’hésitez pas à réutiliser ces arguments autour de vous : tout le monde mérite de connaître le Disque-Monde…

• C’est un classique de la fantasy britannique : bien qu’il commence à se faire une place auprès du lectorat francophone, c’était encore une lecture de niche il y a quelques années, même pour les lecteur.rice.s du genre. Pourtant, cela fait de nombreuses années que les anglophones s’en régalent, et avec raison ! Ne serait-ce que pour compléter votre culture de la fantasy, il est donc grand temps de découvrir cet incontournable.

• C’est vraiment (vraiment) drôle : vous vous dites certainement que « oui oui, j’ai déjà lu des livres avec de l’humour dedans et c’est vaguement rigolo, mais souvent c’est quand même un peu nul ». Oubliez ça, et plongez-vous dans le Disque-Monde : dans ces romans, il m’est arrivé plus d’une fois de rire aux éclats devant mon livre. Pour de vrai. La narration est délectable, avec toujours une manière profondément inattendue de décrire un personnage, une scène, une pensée… Essayez donc, et vous m’en direz des nouvelles.

• C’est très (très) intelligent : dans chacun de ses tomes, Pratchett aborde un certain nombre de thématiques. Même si elles sont en arrière-plan, il a une manière si unique de les aborder qu’elles prennent toujours une coloration nouvelle, une approche moderne et innovante, et bien souvent ses réflexions sur le sujet, d’une finesse rare bien que sous couvert d’humour, me restent longtemps en tête et ouvrent des questionnements captivants. Je pense notamment à notre place dans le monde vis-à-vis d’une destinée professionnelle, dans Mortimer, ou encore le lien entre art et vérité, comme abordé dans Trois Sœurcières.

• En fait, c’est rapide à lire : effectivement, si l’on regarde l’entièreté des livres de l’univers, il y en a une bonne quarantaine. Mais en fait, chaque tome (sauf les deux premiers) correspond à une intrigue unique, et tous se lisent indépendamment les uns des autres. Vous pouvez lire chaque cycle comme une série qui se suit, mais vous ne serez pas vraiment pénalisé.e de les lire dans un ordre complètement aléatoire, voire de n’en picorer que certains et de laisser de côté ceux qui ne vous intéressent pas. En plus, chaque tome est assez court, et se dévore à toute vitesse.

• Il y a forcément un tome pour vous : sur une quarantaine de tomes et pas moins de cinq cycles, il y en a vraiment pour tous les goûts. Comme évoqué plus haut, chaque tome aborde ses propres thématiques, et chaque cycle a ses propres atmosphères et inspirations : les Sorcières naviguent beaucoup sur les contes et le merveilleux, tandis que le Guet propose des intrigues plus urbaines et policières, et la Mort questionne la société et l’humanité. Du foot à la poste, en passant par le Père Noël, le rock, le cinéma ou les religions, il y a forcément un tome des Annales du Disque-Monde qui saura retenir votre attention !

• Son traducteur a reçu un prix pour son travail : on s’en rend rapidement compte, Pratchett propose une narration particulière, tout en humour et en finesse, jouant avec les mots, les expressions et les représentations. Pour avoir su rendre toutes ces subtilités avec brio, Patrick Couton, qui a traduit l’ensemble des romans du Disque-Monde, a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire en 1998 pour son travail remarquable. Chapeau.

Je pourrais ajouter que c’est une collection qui rendrait magnifiquement bien sur vos étagères, ou encore que la narration de Pratchett est un gigantesque réservoir à punchlines à ressortir à toutes occasions, mais j’espère que ces quelques raisons seront déjà suffisantes pour vous convaincre de tremper un orteil dans l’univers du Disque-Monde. Si jamais vous tentez le coup, je suis curieuse de savoir par quel tome vous commencez ! Et si vous êtes déjà dans l’univers jusqu’au cou, avez-vous d’autres arguments à ajouter ?

Magie contre Sourcellerie, et au milieu un Bagage à mille pattes

La magie, c’est de la bouillie pour les chats. Voici la sourcellerie, la puissance thaumaturgique de l’Aube des Temps ! Elle pénètre le Disque-Monde par l’entremise du huitième fils d’un mage (défroqué, oui!). Disons-le tout net : casse-cou. Faudra-t-il compter sur Rincevent pour sauver les meubles ? Il a plus d’un tour dans son sac percé. Il a aussi une équipe de choc, avec le pusillanime Bagage – tellement humain ! – et le subtil bibliothécaire de l’université des mages – tellement simiesque ! Avec Nijel le Destructeur, jeune héros par correspondance, et Conina, la fille du plus célèbre Barbare, par qui tombent les cœurs et les coups. Et, en prime, un séjour inoubliable dans la cité d’Al Khali, sous la houlette du Sériph Créosote.
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 05 : Sourcellerie, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Et hop, encore un tome de l’univers des Annales du Disque-Monde ! Avec celui-ci, je poursuis le cycle de Rincevent et des mages, et bien qu’il soit toujours très agréable à lire, ça n’est définitivement pas mon préféré.

Si les deux premiers tomes de ce cycle constituaient l’introduction de l’univers, la présentation de ses personnages et de ses spécificités, si les autres tomes introduisaient d’autres cycles avec leurs thématiques propres, j’ai eu la sensation que ce tome 5 revenait sur du pur divertissement. J’ai donc retrouvé ce plaisir simple de lire du Pratchett, avec sa narration si unique et son humour décapant, ces personnages complètement perdus face à des événements qui font un peu ce qu’ils ont envie de faire ; une part de moi regrette juste de ne pas avoir eu davantage à se mettre sous la dent.

Bien sûr, on sent ici toute la portée parodique des Annales du Disque-Monde, qui se moque avant tout des codes de son propre genre : des mages qui perdent tous leurs moyens dès lors que la magie se met à faire ce qu’elle veut, un héros aux bras de crevette qui rêve d’être Conan et une fille de Conan qui rêve d’être coiffeuse… et au milieu de tout ça, un personnage principal toujours aussi perdu, bringuebalé par les événements.

C’est d’ailleurs le seul reproche que je peux adresser de temps à autre à l’univers du Disque-Monde, et qui se ressent particulièrement dans ce tome-ci : parfois, j’ai presque la sensation que les personnages sont là uniquement pour donner corps à la narration, puisque c’est l’univers lui-même qui, après un dérèglement, va faire en sorte que les choses reviennent à la normale. Il en ressort quelque chose d’assez passif, mais qui d’un autre côté permet à l’aspect parodique de prendre toute son ampleur.

Ce tome-ci n’est donc clairement pas mon préféré, mais il en faut bien au moins un ! Cela n’entache pourtant pas mon affection pour l’univers du Disque-Monde, que je continuerai d’explorer avec délectation. Et vous, si vous avez lu quelques tomes de cette série, lequel vous a moins plu ?

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Mortimer, l’ordre des choses et les choix de carrière

Mortimer court à travers champs, agitant les bras et criant comme une truie qu’on égorge. Et non. Même les oiseaux n’y croient pas. « Il a du coeur », fait le père adossé contre un muret. « Dame,c’est le reste qui lui manque », répond l’oncle Hamesh. Mais à la foire à l’embauche, la Mort le remarque et l’emporte sur son cheval Bigadin. Il faut la comprendre : elle a décidé de faire sa vie. Avec un bon commis, elle pourrait partager le travail quotidien, ce qui lui laisserait des loisirs. Un grand destin attend donc Mortimer. Mais… est-ce bien raisonnable ?
~ Les Annales du Disque-Monde, tome 4 : Mortimer, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Je reprends tranquillement le rythme de lire ou relire régulièrement un tome du Disque-Monde, j’ai donc redécouvert Mortimer, premier tome du cycle de la Mort !

Même si le cycle des sorcières garde ma préférence, celui de la Mort n’est pas loin derrière. Ce personnage universel et intemporel y est confronté à la vie, à l’existence, à l’humanité, et à ce qui les rendent intéressantes et importantes (ou non). Sans cesse en décalage avec les codes de la société, la Mort est l’occasion idéale pour l’auteur de mettre le doigt sur les absurdités de notre monde ; tout en rappelant que, même si elle ne fait pas toujours sens et si elle prendra fin un jour, la vie a toujours quelque chose à apporter.

C’est cette double inéluctabilité qui est au centre de l’intrigue de Mortimer : celle de la mort et celle de la vie. Est-elle menée par nos choix ou pré-écrite dans notre destinée ? Peut-on la modifier, et quelles en seront les conséquences ? Au-delà de ces vastes questionnements existentiels, le roman aborde aussi le notion de morale et, en quelque sorte, de la conscience professionnelle : faire son travail, dont l’importance est primordiale à l’équilibre du monde ? Ou faire ce qui nous semble juste ? Peut-être est-ce la mission confiée qui est la plus juste, même si elle n’en a pas l’air au premier abord ?

Au-delà de ces thématiques passionnantes, j’ai adoré retrouver la narration si particulière et si délectable de Pratchett. Mortimer est un personnage attachant, qui évolue énormément au fil du récit et qu’il est plaisant de voir se développer et prendre de l’assurance. Les événements finaux promettent de grandes choses d’ailleurs, que j’ai hâte de retrouver dans les tomes suivants !

Cette relecture est donc un franc succès : elle a renouvelé mon affection pour le personnage de la Mort, et me donne très envie de me plonger dans les autres tomes de ce cycle ! Et vous, aimez-vous ce cycle de la Mort dans les Annales du Disque-Monde ?

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La huitième fille : magicellerie dans le Bélier

Sentant venir sa mort prochaine, le mage Tambour Billette organise la transmission de ses pouvoirs, de son bourdon, de son fonds de commerce. Nous sommes sur le Disque-Monde (vous y êtes ? Nous y sommes). La succession s’y effectue de huitième fils en huitième fils. Logique. Ainsi opère le mage. Puis il meurt. Or, il apparaît que le huitième fils est cette fois… une fille. Stupeur, désarroi, confusion : jamais on n’a vu pareille incongruité. Trop tard, la transmission s’est accomplie au profit de la petite Eskarina. Elle entame son apprentissage sous la houlette rétive de la sorcière Mémé Ciredutemps…
~ La huitième fille, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Je continue mon exploration du Disque-Monde avec une relecture de ce troisième tome, le premier du cycle des sorcières que j’aime tant !

Des trois sorcières qui formeront plus tard le coven le plus célèbre du Disque-Monde, on ne rencontre ici que Mémé Ciredutemps, attachante acariâtre, qui pose sur le monde une vision très personnelle. Dans cet univers, elle représente la sorcellerie, ce pouvoir qui repose avant tout sur une bonne dose d’un sens pratique à toute épreuve, y compris parfois celle de la logique elle-même. À cette sorcellerie s’oppose la magie, science occulte et complexe qui s’étudie avec une longue barbe, un chapeau pointu et un certain attachement pour les rituels impressionnants et la tradition administrative. Sur le Disque-Monde, les sorcières sont des femmes, et les mages sont des hommes. Et c’est bien sûr l’occasion ici de questionner le rapport à l’égalité femmes-hommes, et aux conceptions genrées de certaines professions.

J’ai beaucoup aimé la manière dont Pratchett aborde cette thématique : lorsque la jeune Eskarina hérite d’un pouvoir de mage, ce sont non seulement ces mages qui tentent de la remettre dans une « place de femme », mais aussi Mémé Ciredutemps elle-même, qui dans un premier temps considère elle aussi qu’il s’agit là d’une frontière à ne pas franchir. À cela, Pratchett pose un point final : les choses sont comme elles sont, il ne reste plus qu’à s’y adapter au mieux.

Au-delà de cette thématique forte, j’ai une fois de plus apprécié de simplement replonger dans cet univers ! On explore le Disque-Monde au travers d’une autre perspective que lors des deux premiers tomes : on accompagne ici une jeune fille qui ne connaît que les montagnes du Bélier, et une sorcière qui sait très bien pourquoi elle préfère ne pas en sortir. Entre narration burlesque et péripéties toujours plus loufoques, j’y passe à chaque fois un excellent moment, et cette relecture a été un véritable bonheur !

Si jamais vous souhaitez découvrir les Annales du Disque-Monde, vous pouvez commencer par celui-ci : un peu meilleur que les deux premiers tomes, il fait une excellente entrée en matière aussi bien pour le cycle des sorcières que pour l’univers entier. Si vous connaissez déjà le Disque-Monde, je suis curieuse : quel est votre cycle préféré ?

Si vous ne savez pas par où commencer pour découvrir cet univers, découvrez le petit guide d’exploration du Disque-Monde à l’usage de l’aventurier intimidé que je vous ai concocté.
Pour retrouver mes autres chroniques des Annales du Disque-Monde, c’est par ici !

Les Annales du Disque-Monde : petit guide d’exploration à l’usage de l’aventurier intimidé

Grande révélation : je suis profondément passionnée par l’univers du Disque-Monde. Je l’ai découvert il y a déjà pas mal d’années avec Trois Sœurcières, dont je suis tombée raide dingue dès les premières pages. Depuis, j’ai acheté toute la série dans la belle collection de la Dentelle du Cygne chez l’Atalante (en version blanche), je me suis dégotté un T-Shirt reprenant l’une des illustrations de couverture, et je n’ai de cesse de chercher le tome idéal à recommander aux lecteur.rice.s autour de moi. Mais je n’ai pas encore tout lu, loin de là : je savoure.

Face à l’immensité de l’univers, il est facile de se sentir un peu découragé.e d’avance, et de ne pas oser sauter le pas. Pourtant, c’est un univers léger et facile d’accès, à l’humour décoiffant et qui vaut largement le détour ! Alors si vous peinez à y voir clair et que vous aimeriez pourtant vous lancer dans le Disque-Monde, cet article est fait pour vous !

Mais d’abord, c’est quoi ?

Le Disque-Monde, c’est un univers de fantasy imaginé par Terry Pratchett. Comme le nom l’indique, les événements se déroulent sur un immense disque, porté sur le dos de quatre éléphants qui se tiennent sur le dos de la Grande A’Tuin, gigantesque tortue cosmique. On y retrouve des sorcières, des vampires et des loups-garous, des rois et des paysans, la Mort, un Chicard, et plein d’autres choses plus ou moins mystérieuses (ou identifiées). Terry Pratchett explore cet univers loufoque dans près de 50 romans, dont la plupart sont rassemblés sous le titre « Les Annales du Disque-Monde ». Encore assez peu connu, c’est pourtant un univers emblématique de la fantasy britannique, à la fois classique de la fantasy et énorme parodie.

Du coup, on commence où ?

Comme je le mentionnais plus tôt, le Disque-Monde rassemble presque une cinquantaine de tomes, et si ce ne sont pas des pavés, ça représente quand même pas mal de lecture. Mais il y a une chose à bien comprendre : il n’y a pas d’unité narrative entre les tomes, et pas vraiment non plus de chronologie. Chaque tome est une histoire indépendante, et ils peuvent être lus dans le désordre.

Commencer par le tout début : ça peut effectivement être une bonne idée pour avoir les bases. Il faut par contre savoir que, pour contredire ce que je disais juste au-dessus, la première histoire est divisée en deux tomes, La Huitième Couleur et Le Huitième Sortilège. Il est aussi à noter que ce sont pas les meilleurs tomes de la saga : s’ils ne vous ont pas convaincu.e, n’hésitez pas à en tenter un autre !

Avancer par cycles : chaque tome est indépendant, mais on retrouve néanmoins certains personnages qui reviennent de manière récurrente. On a ainsi tendance à les rassembler en « cycles », regroupant les tomes qui, de manière chronologique, suivent un seul et même groupe de personnages. Chaque cycle a ses thématiques propres, ce qui peut expliquer que vous n’accrochiez pas avec l’un alors qu’un autre vous happe dès le début. Mon préféré, c’est celui des Sorcières (d’ailleurs, vous avez remarqué le lien avec mon pseudo ? Viendrait-il de là ? Mystère.) Pour avoir un aperçu de ces cycles, on se réfère en général à ce diagramme, et voici une liste rapide des principaux personnages à découvrir :

  • Rincevent et les mages : un mage plutôt pas très doué et les vieux sages décadents de l’Université Invisible
  • Les sorcières : Mémé Ciredutemps et Nounou Ogg, qui ne se laissent pas marcher sur les pieds par l’ordre des choses
  • La Mort : il est masculin, et il lui arrive d’en avoir marre d’être la Mort
  • Le Guet : la police d’Ankh Morpork, qui mène des enquêtes
  • Moite von Lipwig : un gars qui n’a rien demandé à personne, mais qui vit malheureusement à Ankh Morpork

Choisir au hasard (ou presque) : la méthode que je conseillerais presque, c’est d’y aller au feeling ! Chaque tome aborde avec pertinence et humour un ensemble de thématiques très variées, parfois inattendues, mais toujours aussi bien traitées : on va par exemple de l’opéra à l’Australie, en passant par l’apocalypse, les elfes et le football. Entre autres. Pour cette méthode, vous pouvez donc vous laisser aller à un résumé qui vous tente plus que les autres ; vous pouvez aussi aller voir cette page Wikipedia qui reprend, tome par tome, le cycle auquel il appartient et les thématiques abordées, pour vous permettre d’en repérer un qui vous ferait particulièrement de l’œil !

À noter

J’ai remarqué que les romans plus tardifs ont tendance à avoir des intrigues plus tarabiscotées, contrairement aux premiers, plus directs et faciles d’accès. L’univers du Disque-Monde étant un peu particulier, il s’agit donc, à mon humble avis, d’un paramètre à prendre en compte lors du choix d’un premier livre.

De plus, comme j’ai déjà tenté de vous le faire comprendre, ces romans sont tous très différents les uns des autres : si vous n’avez pas accroché avec l’un d’eux, n’hésitez pas à en essayer un autre !

Dernier point : tous les conseils que j’ai donnés dans cet article n’ont, au final, absolument aucune importance. Si vous voulez lire le Disque-Monde, prenez un tome du Disque-Monde et lisez-le sans vous poser plus de questions : c’est aussi simple que ça !

Si jamais vous tentez l’expérience, n’hésitez pas à m’en parler : quel est le premier tome que vous avez découvert ? Votre personnage préféré ? Dites-moi tout !

Retrouver les tomes chroniqués du Disque-Monde :
Trois Sœurcières

Trois Sœurcières : un Pratchett, ça fait toujours plaisir

Le vent, l’orage et les éclairs… Tout cela dans l’horreur d’une profonde nuit. Une de ces nuits, peut-être, où les dieux manipulent les hommes comme des pions sur l’échiquier du destin.
Au cœur des éléments déchaînés luisait un feu, tel la folie dans l’œil d’une fouine. Il éclairait trois silhouettes voûtées. Tandis que bouillonnait le chaudron, une voix effrayante criailla :
« Quand nous revoyons-nous, toutes les trois ? »
Une autre voix, plus naturelle, répondit :
« Ben, moi j’peux mardi prochain. »
Rois, nains, bandits, démons, héritiers du trône, bouffons, trolls, usurpateurs, fantômes, tous sont au rendez-vous. Shakespeare n’en aurait pas rêvé autant. Ou peut-être que si ? Mais l’avantage du roman par rapport au théâtre, c’est que l’on peut s’autoriser beaucoup, beaucoup plus de personnages. Et même le ravitaillement en vol d’un balai de sorcière !
~ Trois Sœurcières, de Terry Pratchett – L’Atalante
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Ça fait déjà quelques années que je suis tombée dans l’univers de Pratchett, et c’est toujours un bonheur d’en picorer un tome par-ci par-là ! Celui-ci est le tout premier que j’ai lu, celui qui m’a fait tomber amoureuse de l’univers et des personnages de Nounou Ogg et Mémé Ciredutemps… Malgré ça, je gardais assez peu de souvenirs de l’histoire, et quand Guimause a demandé pour son Pumpkin Autumn Challenge de lire un livre qui parle de « sorcière – pièce de théâtre – prophétie – tragédie », vous vous doutez bien que j’ai vu là l’occasion parfaite de m’en faire une petite relecture.

Comme d’habitude avec Pratchett, comme d’habitude avec ses sorcières, ce roman est tout bonnement délicieux. Les sorcières sont géniales, complètement loufoques et bougonnes à souhait, et profondément attachantes. Lorsque l’auteur les met, elles et leur pragmatisme, face à une pièce de théâtre, c’est toute cette magie du théâtre qui est rappelée au lecteur, avec son pouvoir de montrer des mondes entiers sur un simple carré de planches en bois, du carton et quelques bouts de tissu… Bien que je ne connaisse rien au sujet, j’ai d’ailleurs beaucoup aimé les très nombreuses références à l’œuvre de Shakespeare !

Quant au style, je me suis délectée de la narration toujours aussi extravagante, et des petits ressorts scénaristiques toujours aussi inattendus, mais qui sont finalement monnaie courante dans cet univers : je pense par exemple à la résolution finale, dont je ne dévoilerai rien mais qui fera s’étouffer dans leur purée les plus grands professeurs d’écriture…

Si vous ne connaissez pas encore l’univers du Disque-Monde, je pourrais vous faire toute une conférence, entre guide d’approche et propagande, mais je vais me contenter de vous confirmer que ce tome-ci est parfait pour commencer si l’envie vous prend ! Et si jamais vous connaissez déjà, vous avez un tome préféré ? Un personnage favori ?

Si vous ne savez pas par où commencer pour découvrir cet univers, découvrez le petit guide d’exploration du Disque-Monde à l’usage de l’aventurier intimidé que je vous ai concocté !